Louis-Antoine Dornel

Date de naissance 1680 à Béthemont-la-Forêt, Île-de-France, France

Date de décès 1756 à Paris, Île-de-France, France

Louis-Antoine Dornel

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Louis-Antoine Dornel, est un compositeur français, claveciniste, organiste et violoniste. Il est né à Béthemont-la-Forêt, près de Pontoise, en 1685 et mort en 1765 à Paris[1].

Biographie

Si l'on n'a conservé aucun élément pouvant éclairer son apprentissage musical et ses débuts, on s'accorde à dire qu'il travailla auprès de Nicolas Lebègue, organiste de Saint-Merri et de la Chapelle royale, expert reconnu en facture dorgue et excellent claveciniste. Dornel semble avoir assidûment fréquenté la demeure de ce grand personnage qui aimait à réunir autour de lui ses élèves, des compositeurs, des organiers, des facteurs de clavecins, des éditeurs. Dornel sollicita également les conseils de lorganiste Chauvet à qui il dédia d'ailleurs, en 1713, un livre de Sonates en trio pour les flûtes allemandes, violons, hautbois :

« Le devoir et la reconnaissance vous présentent un livre qui vous appartient pour le moins autant qu'à son auteur ; vous mavez si heureusement conduit dans cet ouvrage par votre excellent goût, que je ne crains point davouer que je vous dois tout ce que le public peut trouver de meilleur ».

La première mention de l'activité organistique de Dornel (parfois orthographié Dornelle ou dOrnel), apparaît lorsqu'il est nommé titulaire des orgues de l'église Sainte-Marie-Madeleine-en-la-Cité[2] dès 1706 en lieu et place de Rameau qui, choisi par le jury, refuse finalement le poste. Il y succède à François d'Agincourt appelé à la cathédrale de Rouen. Le concours met d'ailleurs à contribution des « gens dhonneur et de probité », face à un jury composé de Nicolas Gigault, alors organiste de Saint-Nicolas-des-Champs, Jean-François Dandrieu, titulaire de celles de Saint-Merry ainsi que de Claude Rachel de Montalan, organiste de l'église Saint-André-des-Arts[3].

Bien que nettement supérieur à Dornel, Rameau refusa de se plier au règlement du concours qui stipulait que lorganiste admis « au lieu du Sr. dAgincourt qui quitte », sengageait à ne pas toucher dautres claviers :

« Le Sr. Rameau organiste jugé le plus habile par ceux qui avaient été invités dassister au concours à cet effet, na pas été choisi et retenu, nayant voulu quitter les orgues des Jésuites, rue St. Jacques, et des Religieux de la Merci []. Le Sr. Dornel a été reçu en son lieu ».

Le 1er novembre 1706, à la suite du désistement de Rameau, Dornel, alors totalement disponible et « qui a toutes les bonnes vie, murs et capacités [] a été mis en possession de lorgue quil a joué hier à vêpres et ce jourdhui à la grand-messe ».

Lannée suivante, Dornel publie sa première uvre, un Livre de symphonies dédié à M. de Lubert, président aux Enquêtes du Parlement, volume suivi en 1711 par des Sonates à violon seul et suites pour la flûte traversière avec la basse dédicacées à Anne Élisabeth Bouret, claveciniste et élève de François Couperin, puis en 1713 par le recueil de Sonates en trio dédié à lorganiste Chauvet.

Pendant quelque temps, malgré le contrat qui le liait à Sainte-Madeleine, Dornel touche lorgue de léglise Sainte-Geneviève-des-Ardents[4], dans l'île de la Cité, poste auquel il renonça en 1714, aussitôt remplacé par Jean Bessart.

En 1716, Dornel abandonne lorgue de La Madeleine-en-la-Cité[5]. Cest quà cette époque, il suppléait déjà à labbaye Sainte-Geneviève lorganiste André Raison qui tenait lorgue depuis cinquante ans, et auquel il succède d'ailleurs en 1719. Dornel quittait lîle de la Cité pour la Montagne Sainte-Geneviève, lun des carrefours intellectuels du moment. L'orgue étant en piteux état, Dornel décide de sassocier, en 1732, à Nicolas Gilles Forqueray, organiste des Saints-Innocents et neveu de Michel Forqueray, afin dexpertiser linstrument et dresser un état des réparations à effectuer[6]. En cette même année, on baptisa de nouvelles cloches à Sainte-Geneviève, sous la direction musicale de Dornel. Un chroniqueur du Mercure de France commenta d'ailleurs la cérémonie :

« On avait pratiqué une autre tribune à côté du jubé des orgues, pour placer une partie des musiciens et des symphonistes []. Le sieur Dornel, organiste de labbaye, fit exécuter différents motets de sa composition, convenables à la solennité de la cérémonie par un excellent chur de musiciens composé de plus de quatre-vingts personnes ».

Quelque dix ans auparavant, en 1723, Dornel avait donné un volume de Concerts de symphonies dédié au Concert des Mélophilètes, société fondée au début du siècle, réunissant des musiciens amateurs qui se plaisaient à se divertir en faisant de la musique et en exécutant des pièces écrites pour leurs assemblées, puis en 1725, il avait succédé à Jean-Baptiste Drouart Du Bousset[1], maître de musique du roi pour les académies françaises et des inscriptions. Mort le 3 octobre 1725, ce dernier, collectionneur de somptueux volumes dopéras, avait été célèbre en son temps pour « sa physionomie [...] très agréable, ce qui augmentait le plaisir de lentendre chanter ». Cette nouvelle charge imposait à Dornel de faire exécuter chaque année dans la chapelle du Louvre, à loccasion de la Saint-Louis, un motet de sa composition. Certaines de ces compositions furent également exécutées au Concert Spirituel où, en 1731, on applaudit notamment son Domine Dominus noster. On ignore pourquoi, après dix-sept années de service, Dornel fut mis à pied en 1742 et aussitôt remplacé par François Rebel, inspecteur général de lOpéra. Les registres de lAcadémie tentent une explication :

« Sur ce qui a été représenté par quelques-uns de ces messieurs, que le sieur dOrnel qui sert lAcadémie en qualité de maître de musique, ne donnait les jours de la Saint-Louis que des motets fort négligés et presque toujours mal exécutés, il a été délibéré que le sieur dOrnel serait remercié, que lon nommerait à sa place le sieur Rebel, intendant de la musique du roi, et quil sengagerait à ne faire chanter en présence de messieurs que des motets choisis entre les plus beaux des sieurs de Lalande, Campra, Mondonville, ou de quelques autres compositeurs dune égale réputation ».

Il est probable que Dornel, protégé un temps par le duc dOrléans qui venait subitement de déclarer ne prendre « plus aucun intérêt à cette affaire », fut victime de quelque intrigue ou de la jalousie de rivaux malveillants. Pierre-Louis dAquin de Château-Lyon, fils de Louis-Claude Daquin, écrit à propos de léviction de Dornel :

« Je peux dire quen ôtant la place de maître de musique à M. Dornel, on a affligé un habile homme qui, toute sa vie, a composé de la musique latine, pour satisfaire un musicien, à la vérité estimable, mais qui nest connu que par quelques opéras, genre totalement opposé au premier ».

En 1748, Dornel rejoignit lîle de la Cité en qualité dorganiste de léglise Saint-Germain-le-Vieil, « à la place du sieur Offroy, absent depuis deux mois », poste dont il démissionna le 8 juillet 1757 « en raison de son âge et de ses infirmités ». Il cédait sa place à son neveu Gouffé qui le suppléait déjà depuis plusieurs années, et venait de refermer les pages de son unique Livre dorgue dont le manuscrit autographe, daté de 1756, réunit à lévidence des pièces plus anciennes.

Au-delà, on perd la trace de Dornel. On ne connaît pas la date exacte de la mort de cet organiste discret dont la réputation ne put rivaliser avec la notoriété dillustres contemporains. Pierre Louis dAquin[7], écrit dailleurs :

« Ce nest point par mauvaise humeur que je nai fait aucune mention dorganistes estimables, tels que Mrs. Fouquet, Dornel, Février, Noblet, Corrette [] ; mais les musiciens que je viens de nommer, méritent dautant plus dégard quils sont tous compositeurs. On se souvient davoir entendu avec plaisir plusieurs motets de M. Dornel, soit le jour de la Saint Louis, fête de lAcadémie française, soit à la cour ».

Le Catalogue de la musique provenant du fonds du Concert Spirituel[8] nous apprend que Dornel était franc-maçon et dresse le portrait dun « homme desprit et fort gai, comme on létait alors, et lun des principaux arcs-boutants de la société franc-maçonne ».

On sait également que Dornel fut membre de linstitution burlesque de la Calotte, fondée au tout début du XVIIIe siècle et décrite dans le Dictionnaire de Trévoux comme la « Confrérie des Fous, quon appelle le Régiment de la Calotte ; [] un Régiment métaphysique, inventé par quelques esprits badins, qui sen sont fait eux-mêmes les principaux officiers. Ils y enrôlent tous les particuliers, nobles et roturiers, qui se distinguent par quelque folie marquée, ou quelque trait ridicule ».

En 1739, lorganiste Dornel avait adressé à labbé de Sainte-Geneviève cette requête en faveur de son orgue délabré, requête rédigée dans le plus pur style calotin :

« [] A vrai dire, votre organiste Aime mieux être encore quarante ans calotin Que dêtre couché sur la liste De ceux qui, de la mort, grossissent le butin Et cest toujours trop tôt, quelque tard que lon meure [] Le funeste péril qui nous menace tous Peut arriver à limproviste. On remplacerait bien le craintif organiste, Mais où trouverait-on un abbé comme vous ? Agissez donc, Seigneur, pour dissiper ma crainte ; Tachez pour vous, pour moi, pour le public, Pour la gloire de Dieu, pour la patronne sainte, Quon emploie, au plus tôt, pierre, ciment, mastic []. »

uvres

Parmi ses uvres connues on note :

  • Des Airs sérieux et à boire
    • Le printemps de nos jours (Christophe Ballard, éd. Mélanges de musique latine, française et italienne, divisés par saisons. Paris BNF (Mus.) : Vm7 560.
    • Quand du Stix arriva le célèbre Grégoire (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 554.
    • Quand mon Iris fait la cruelle (Christophe Ballard, éd. Mélanges de musique latine, française et italienne, divisés par saisons. Paris BNF (Mus.) : Vm7 559.
    • Vos gémissemens (Vve Boivin, éd. Le Tribut de la toilette. Paris BNF (Mus.) : Vm7 4130/8-9.
    • 2 airs (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 543 & 557.
    • 6 airs (Christophe Ballard, éd. Mélanges de musique latine, française et italienne, divisés par saisons. Paris BNF (Mus.) : Vm7 562 & 564.
    • 2 airs dans les Nouveaux Recueils de chansons : La Haye, 1731 (Paris BNF (Mus.) : Vm7 507)
    • Ah mon cher amour (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 549.
    • Après la froidure, l'aimable verdure (Christophe Ballard, Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 551.
    • Echappé mille fois des pièges de l'Amour (Christophe Ballard, Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 552.
    • L'Hyver désole nos climats (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 537.
    • Je ne veux plus dormir que sur la table (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 545.
    • Loin d'icy, le chagrin et le soucy (in Recueil de chansons. Paris BNF (Mus.) : Rés Vmc ms 201/1-2).
    • Non, ne célèbre plus ny Bacchus ny l'Amour (Christophe Ballard, éd. Recueil dairs sérieux et à boire de différents auteurs. Paris BNF (Mus.) : Vm7 550.
    • Pastorale en musique à 2 voix et un dessus (1709). Paris BNF (Mus.) : Vmb ms 77/1.
  • 6 cantates françaises à 1 voix. Paris BNF (Mus.) : D 3746/2. Comprend :
    • Les caractères de la Musique (1721)
    • La fin des Siècles
    • Le tombeau de Clorinde (1723)
    • La discorde bannie.
  • Des pièces instrumentales :
    • Livre de symphonies contenant VI suites en trio avec une sonate en quatuor (1709)
    • Sonates à violon seul et suites pour la flûte allemande (1711)
    • Sonates en trio pour la flûte allemande opus 3 (1713)
    • Concert de symphonies contenant VI concerts en trio pour les flûtes, violons et hautbois, Livre III (1723)
    • Pièces de clavessin du sieur Dornel contenant cinq suites et un Concert calotin (1731)
    • Livre de pièces de symphonies (1738)
    • Le tour du clavier sur tous les tons (1745)
    • un livre manuscrit de pièces d'orgue (v. 1756), publié par Norbert Dufourcq (Paris : Éd. Schola Cantorum, 1965).

Partitions gratuites

Discographie

On retrouvera les pièces de clavecin de Dornel couplées à quelques airs sérieux dans un beau programme interprété par l'ensemble Le Concert Calotin sous la direction de Fabien Armengaud et avec la participation de la soprano Marie-Louise Duthoit.

Quant aux pièces d'orgue et à une sélection de trios on renverra à l'opus d'Hugo Reyne et sa Symphonie du Marais.

  • France Orgue Discographie de la musique d'orgue établie par Alain Cartayrade.

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Dictionnaire de la musique : sous la direction de Marc Vignal, Larousse, 2011, 1516 p. (ISBN 978-2-0358-6059-0), p. 430 
  2. Construite non loin de Notre-Dame, au coin des rues de la Juiverie et des Marmousets où logeait Dornel, au sein de lîle de la Cité et de son lacis de rues étroites couronnées de clochers, malheureusement défigurées lorsque, sous le Second Empire, le baron Haussmann entreprit d« embellir » Paris, Sainte-Madeleine-en-la-Cité sélevait sur le terrain de lancienne synagogue des juifs que Philippe-Auguste avait chassés à la fin du XIIe siècle. Son orgue avait été restauré et augmenté en 1692 par Bessart.
  3. Il était ancien titulaire de lorgue de Sainte-Madeleine-en-la-Cité et l'époux de Madeleine Poquelin, fille de Molière, et Armande Béjart.
  4. Situé près du Petit-Pont, rue Neuve Notre-Dame, Sainte-Geneviève-des-Ardents aurait été reconstruite au XVe siècle grâce au soutien financier de Nicolas Flamel, et lon dit que, selon la tradition des donateurs, le célèbre alchimiste avait fait sculpter son image sur le portail de léglise.
  5. Il propose à sa place, Louis Thiéphine, nommé peu après titulaire.
  6. Elles furent exécutées par le facteur Noël Bessart moyennant une somme de 400 livres.
  7. Siècle littéraire de Louis XV ou Lettres sur les hommes célèbres, Paris, 1754.
  8. Etabli par Paul Louis de Boisgelou et déposé à la Bibliothèque nationale sous la Révolution, entre lan II et lan V (1794-1797).

Voir aussi

  • École française de clavecin
  • École française d'orgue
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