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Musicien

Maurice Ravel

Maurice Ravel - © Maurice Ravel, 1925 (wikipedia)

Date de naissance 7.3.1875 à Ciboure, Pyrénées Atlantique, France

Date de décès 28.12.1937 à Paris, Île-de-France, France

Maurice Ravel

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Maurice Ravel, de son nom de baptême Joseph Maurice Ravel, est un compositeur français né à Ciboure le 7 mars 1875 et mort à Paris le 28 décembre 1937.

Avec son aîné Claude Debussy, Ravel fut la figure la plus influente de la musique française de son époque et le principal représentant du courant dit impressionniste au début du XXe siècle. Son œuvre, modeste en nombre d'opus (quatre-vingt-six œuvres originales, vingt-cinq œuvres orchestrées ou transcrites), est le fruit d'un héritage complexe s'étendant de Couperin et Rameau jusqu'aux couleurs et rythmes du jazz et d'influences multiples dont celle, récurrente, de l'Espagne.

Caractérisée par une grande diversité de genres, la production musicale de Ravel respecte dans son ensemble la tradition classique et s'étale sur une période créatrice de plus de quarante années qui la rendent contemporaine de celles de Fauré et Debussy, mais aussi de Stravinski, Prokofiev, Bartók ou Gershwin. La grande majorité de ses œuvres a intégré le répertoire de concert. Parmi celles-ci le ballet symphonique Daphnis et Chloé (1909-1912), le Boléro (1928), les deux concertos pour piano et orchestre pour la main gauche (1929-1930) et en sol majeur (1929-1931) et l’orchestration des Tableaux d'une exposition de Moussorgski (1922) sont celles qui ont le plus contribué à sa renommée internationale. Reconnu comme un maître de l’orchestration et un artisan perfectionniste, cet homme à la personnalité complexe ne s'est jamais départi d'une sensibilité et d'une expressivité qui, selon Le Robert, lui firent évoquer dans son œuvre à la fois « les jeux les plus subtils de l’intelligence » et « les épanchements les plus secrets du cœur ».

Biographie

1875 - 1900 : l’apprentissage

Une enfance heureuse

Maurice Ravel est né le 7 mars 1875, quai de la Nivelle à Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz, dans les Basses-Pyrénées. Son père, Joseph Ravel (1832–1908), d'ascendance suisse et savoyarde[N 1], était un ingénieur renommé qui travailla notamment pour la construction de lignes de chemin de fer, l'industrie automobile et étendit les recherches d'Étienne Lenoir sur les moteurs à explosion. Sa mère, Marie Delouart-Ravel (1840–1917), femme au foyer, était d'origine basque, descendante d’une vieille famille espagnole (Deluarte). Il eut un frère, Édouard Ravel (1878–1960), qui devint ingénieur et avec lequel il garda toute sa vie de forts liens affectifs[2]. En juin 1875, la famille Ravel se fixa définitivement à Paris[3]. La légende qui veut que l’influence de l’Espagne sur l’imaginaire musical de Maurice Ravel soit liée à ses origines basques est donc exagérée, d’autant que le musicien ne retourna pas au Pays basque avant l’âge de vingt-cinq ans. En revanche, il revint régulièrement par la suite séjourner à Saint-Jean-de-Luz et dans ses environs pour y passer des vacances ou pour travailler. L’enfance de Ravel fut heureuse. Ses parents, attentionnés et cultivés, familiers des milieux artistiques, surent très tôt éveiller son don musical et encourager ses premiers pas. Le petit Maurice commença l’étude du piano à l’âge de six ans sous la férule du compositeur Henry Ghys (1839 - 1908) et reçut en 1887 ses premiers cours de composition de Charles René — harmonie et contrepoint[4]. Le climat artistique et musical prodigieusement fécond de Paris à la fin du XIXe siècle ne pouvait que convenir à l’épanouissement de l'enfant Ravel qui cependant, au désespoir de ses parents et de ses professeurs, reconnut plus tard avoir joint à ses nombreuses dispositions « la plus extrême paresse »[5].

« Tout enfant, j’étais sensible à la musique — à toute espèce de musique. Mon père, beaucoup plus instruit dans cet art que ne le sont la plupart des amateurs, sut développer mes goûts et de bonne heure stimuler mon zèle. »

— Maurice Ravel, Esquisse autobiographique, 1928[N 2].

Un avenir prometteur

Entré au Conservatoire de Paris en 1889, Ravel fut l'élève de Charles de Bériot et se lia d'amitié avec le pianiste espagnol Ricardo Viñes, qui devint l’interprète attitré de ses meilleures œuvres et avec qui il rejoignit plus tard la Société des Apaches. Enthousiasmé par la musique de Chabrier et de Satie, admirateur de Mozart[N 3], Saint-Saëns, Debussy et du Groupe des Cinq, influencé par la lecture de Baudelaire, Poe, Condillac, Villiers de L'Isle-Adam et surtout de Mallarmé, Ravel manifesta précocement un caractère affirmé et un esprit musical très indépendant. Ses premières compositions en témoignèrent : elles étaient déjà empreintes d'une personnalité et d’une maîtrise telles que son style ne devait guère connaître d’évolution par la suite : Ballade de la reine morte d'aimer (1894), Sérénade grotesque (1894), Menuet antique (1895) et les deux Sites auriculaires pour deux pianos (Habanera, 1895 et Entre cloches, 1897).

L’année 1897 vit entrer Ravel dans la classe de contrepoint d'André Gedalge, et Gabriel Fauré devenir son professeur de composition ; deux maîtres dont il reçut l'enseignement avec comme condisciple Georges Enesco. Fauré jugea le compositeur avec bienveillance, saluant un « très bon élève, laborieux et ponctuel » et une « nature musicale très éprise de nouveauté, avec une sincérité désarmante »[8]. Les deux artistes devaient se vouer leur vie durant une grande estime réciproque. À la fin de ses études, Ravel composa une ouverture symphonique pour un projet d'opéra baptisé Shéhérazade — ouverture créée en mai 1899 sous les sifflets du public, à ne pas confondre avec les trois poèmes de Shéhérazade pour voix de femme et orchestre datés de 1903 —, et la célèbre Pavane pour une infante défunte qui reste une de ses œuvres les plus jouées, même si son auteur ne l'estimait pas beaucoup[N 4].

À la veille du XXe siècle, le jeune Ravel était déjà un compositeur reconnu et ses œuvres discutées. Pourtant, son accession à la célébrité n’allait pas être chose aisée. L’audace de ses compositions et son admiration proclamée pour les « affranchis » Chabrier et Satie allaient lui valoir bien des inimitiés parmi le cercle des traditionalistes.

1900 - 1918 : la grande période

Prix de Rome : « l'affaire Ravel »

Les cinq échecs du compositeur au prix de Rome se dessinèrent ainsi sur fond de querelle entre académisme et tendances avant-gardistes. Éliminé aux épreuves préparatoires en 1900, Ravel n'obtint qu'un deuxième Second Grand prix en 1901[10] (derrière André Caplet et Gabriel Dupont) pour sa cantate Myrrha inspirée du Sardanapale de Lord Byron, malgré les éloges de Saint-Saëns auquel le compositeur paraissait « appelé à un sérieux avenir »[11]. Ce fut la seule récompense obtenue par Ravel, qui échoua de nouveau en 1902 (cantate Alcyone d'après Les Métamorphoses d'Ovide) et 1903 (cantate Alyssa sur un texte de Marguerite Coiffier) avant d'être rejeté au concours d'essai en 1905, son âge lui interdisant toute tentative ultérieure[N 5]. Ce dernier échec posa ouvertement la question de l'impartialité du jury où siégeait Charles Lenepveu, professeur des six finalistes[N 6],[N 7],[N 8],[N 9], et suscita, par-delà le cercle de ses premiers défenseurs, un courant d'indignation en faveur de Ravel[N 10],[N 11]. La nomination de Gabriel Fauré à la direction du Conservatoire de Paris en juin 1905, en remplacement de Théodore Dubois, démissionnaire[N 12], ouvrit la voie à une lente réforme du prix de Rome[19]. Ce que certains périodiques appelèrent « l’affaire Ravel » contribua à faire connaître le nom du musicien[N 13].

Premiers chefs-d’œuvre

Ses déboires au prix de Rome n'avaient pas empêché Ravel, dès 1901, d'affirmer pour de bon sa personnalité musicale avec les Jeux d’eau pour piano, pièce d'inspiration lisztienne qui, la première, lui valut l'étiquette de musicien impressionniste. Très tôt et longtemps dans sa carrière, Ravel fut comparé à Debussy[N 14],[N 15] avec une insistance qui voulut le faire passer pour un imitateur[N 16],[N 17],[N 18], puis rapidement pour un rival. Si l'impact de Debussy ne fut jamais démenti par Ravel, il ne resta pas à sens unique[N 19]. Certains critiques musicaux aidant, en particulier Pierre Lalo du Temps, l'un des plus farouches adversaires de la musique de Ravel[N 20], ces trajectoires communes tournèrent assez vite au duel à distance[N 21] et furent mal ressenties par l'auteur de La Mer[N 22]. Debussy et Ravel ne se fréquentèrent pas et leur relation, d'abord cordiale, devint très distante à partir de 1905[N 23].

Dès cette époque s'affirmèrent les traits ravéliens les plus caractéristiques : goût pour les sonorités hispaniques et orientales, pour l’exotisme et le fantastique, perfectionnisme, raffinement mélodique, virtuosité du piano. À la période particulièrement féconde qui s’étend de 1901 à 1908 appartiennent notamment le Quatuor à cordes en fa majeur (1902), les mélodies de Shéhérazade sur des poèmes de Tristan Klingsor (1904), les Miroirs et la Sonatine pour piano (1905), l'Introduction et allegro pour harpe (1906), les Histoires naturelles d'après Jules Renard (1906), la Rapsodie espagnole (1908), la suite pour piano Ma mère l'Oye (1908) que Ravel dédia aux enfants de ses amis Ida et Cipa Godebski[N 24], puis son grand chef-d’œuvre pianistique, Gaspard de la nuit (1908), inspiré du recueil éponyme d’Aloysius Bertrand.

Succès et déceptions

Avril 1909 trouva Ravel à Londres, chez Ralph Vaughan Williams, pour sa première tournée de concerts à l’étranger. Il put à cette occasion découvrir qu’il était déjà connu et apprécié outre-Manche. Il fut en 1910, avec Charles Koechlin et Florent Schmitt notamment, l’un des fondateurs de la Société musicale indépendante (SMI) créée pour promouvoir la musique contemporaine, par opposition à la Société nationale de musique, plus conservatrice, alors présidée par Vincent d’Indy et liée à la Schola Cantorum. Dirigée à ses débuts par Gabriel Fauré, la SMI. fut très active jusqu'au milieu des années 1930, donna en première audition un grand nombre des œuvres de Ravel et contribua à faire connaître la musique de la jeune école française — Aubert, Caplet, Delage, Huré, Koechlin, Schmitt, etc. — et celle de compositeurs d'avant-garde alors peu diffusés en France : Ravel y invita notamment le jeune Béla Bartók. Vers la même époque, en 1911, Ravel participa à la création de la Société Chopin, sur l'initiative de son ami le musicologue Édouard Ganche.

Au début des années 1910, deux œuvres majeures donnèrent à Ravel des difficultés. L'Heure espagnole, premier ouvrage lyrique du compositeur, fut achevé en 1907 et créé en 1911. L'opéra fut mal accueilli par le public et surtout par la critique. Ni l’humour libertin du livret de Franc-Nohain[N 25], ni les hardiesses orchestrales de Ravel ne furent compris, et l'œuvre dut attendre les années 1920 pour devenir populaire. Parallèlement, pour répondre à une commande de Serge de Diaghilev dont les Ballets russes triomphaient à Paris, Ravel composa à partir de 1909 le ballet Daphnis et Chloé. Cette symphonie chorégraphique, qui utilise des chœurs sans paroles, est une vision de la Grèce antique que Ravel voulait proche de celle que les peintres français du XVIIIe siècle avaient donnée. L’argument de l’œuvre fut corédigé par Michel Fokine et Ravel lui-même. Il s’agit de l’œuvre la plus longue du compositeur (soixante-dix minutes environ), et celle dont la composition, longue de trois années, fut la plus laborieuse. Là encore l’accueil fut inégal après la création en juin 1912, deux ans après le triomphe du très novateur Oiseau de feu de Stravinski. Cette même année cependant, triomphèrent les ballets Ma mère l'Oye et Adélaïde ou le langage des fleurs, tous deux des orchestrations d'œuvres antérieures.

Le 29 mai 1913, Ravel fut au nombre des défenseurs de Stravinski, avec qui il avait noué une solide amitié, lors de la création tumultueuse du Sacre du printemps au théâtre des Champs-Élysées[N 26]. Cette période qui précédait la guerre, Ravel la décrivit plus tard comme la plus heureuse de sa vie. Il habitait depuis 1908 un appartement de la prestigieuse avenue Carnot, près de la place de l’Étoile.

La guerre

La guerre surprit Ravel en pleine composition de son Trio en la mineur qui fut finalement créé en 1915. Dès le début du conflit, le compositeur chercha à s'engager mais, déjà exempté de service militaire en 1895 en raison de sa faible constitution (1,61 m)[N 27],[34], il fut refusé pour être « trop léger de deux kilos » (ne pesant que 48 kg)[N 28],[N 29]. Dès lors, l’inaction devint une torture pour Ravel. À force de démarches pour être incorporé dans l'aviation[N 30], c'est finalement comme conducteur d'un camion militaire qu'il surnomma Adélaïde qu'il fut envoyé près de Verdun en mars 1916. Depuis le front, tandis que plusieurs musiciens de l'arrière tombaient dans les travers du nationalisme[N 31], Ravel fit la démonstration de sa probité artistique en refusant, au risque de voir sa propre musique bannie des concerts, de prendre part à la Ligue nationale pour la défense de la musique française. Cette organisation, créée par Charles Tenroc autour notamment de Vincent d'Indy, Camille Saint-Saëns et Alfred Cortot, entendait faire de la musique un outil de propagande nationaliste et interdire, entre autres, la diffusion en France des œuvres allemandes et austro-hongroises.

« [...] Je ne crois pas que « pour la sauvegarde de notre patrimoine artistique national » il faille « interdire d'exécuter publiquement en France des œuvres allemandes et autrichiennes contemporaines non tombées dans le domaine public ». [...] Il serait même dangereux pour les compositeurs français d'ignorer systématiquement les productions de leurs confrères étrangers et de former ainsi une sorte de coterie nationale : notre art musical, si riche à l'heure actuelle, ne tarderait pas à dégénérer, à s'enfermer en des formules poncives. Il m'importe peu que M. Schönberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n'en est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleines d'intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. Bien plus, je suis ravi que MM. Bartók, Kodály et leurs disciples soient hongrois et le manifestent dans leurs œuvres avec tant de saveur. En Allemagne, à part M. Richard Strauss, nous ne voyons guère que des compositeurs de second ordre dont il serait facile de trouver l'équivalent sans dépasser nos frontières. Mais il est possible que bientôt de jeunes artistes s'y révèlent, qu'il serait intéressant de connaître ici. D'autre part je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire prédominer en France, et de propager à l'étranger toute musique française, quelle qu'en soit la valeur. Vous voyez, Messieurs, que sur bien des points mon opinion diffère suffisamment de la vôtre pour ne pas me permettre l'honneur de figurer parmi vous. »

— Maurice Ravel, 7 juin 1916[N 32],[40]

Victime selon toute vraisemblance d'une dysenterie puis d'une péritonite, Ravel fut opéré le 1er octobre 1916 avant d'être envoyé en convalescence puis démobilisé en mars 1917[41]. La nouvelle du décès de sa mère, survenu en janvier 1917, parvint au compositeur alors qu'il était encore sous les drapeaux. Elle le plongea dans un désespoir sans comparaison avec celui causé par la guerre : profondément abattu[N 33], il devait mettre plusieurs années à surmonter son chagrin[N 34].

Il acheva cette année-là six pièces pour piano regroupées sous le titre Le Tombeau de Couperin, suite en forme d'hommage aux maîtres du classicisme français qu’il dédia à des amis tombés au front. Durement touché par ces épreuves accumulées, le musicien resta insensible aux échos de l'armistice et traversa alors une période de silence et de doute que vinrent interrompre en 1919 deux commandes cruciales : l'une de Diaghilev (La Valse), l'autre de Rouché (L'Enfant et les Sortilèges).

1918 - 1928 : dépouillement

L'héritage de Debussy

La guerre, terminée, avait bouleversé la société et remis en cause les canons esthétiques hérités de ce qu'on appellerait bientôt la « Belle Époque » : les années d'après-guerre virent ainsi tout un pan de la musique européenne, de Sergueï Prokofiev (Symphonie classique) à Stravinski (Pulcinella), prendre un virage néoclassique auquel Ravel allait contribuer à sa manière. Pour les quelque douze années d’activité qui lui restaient, la production du musicien se ralentit considérablement (une œuvre par an en moyenne, en excluant les orchestrations) et son style évolua selon ses propres mots dans le sens d’un « dépouillement poussé à l'extrême » tout en s’ouvrant aux innovations rythmiques et techniques venues de l’étranger, en particulier d’Amérique du Nord.

Les années passant, et après la mort de Claude Debussy en 1918, Ravel était désormais considéré comme le plus grand compositeur français vivant[N 36]. Sa notoriété croissante, particulièrement à l'étranger, le fit beaucoup réclamer en concert et lui valut plusieurs distinctions. La façon dont s'accommoda de sa célébrité celui qui déclara désabusé, en 1928, à propos du public qui l'acclamait, « Ce n'est pas moi qu'ils veulent voir, c'est Maurice Ravel »[45], dérouta plus d'un observateur. Ce fut d'abord, en 1920, la réaction désinvolte à sa promotion au rang de chevalier de la Légion d'honneur : pour une raison qu'il ne précisa jamais, il ne prit même pas la peine de répondre à cette annonce et obtint d'être radié au Journal officiel[N 37],[N 38],[N 39]. Satie, brouillé avec lui depuis 1913, s’en amusa dans une boutade célèbre : « Ravel refuse la Légion d’Honneur, mais toute sa musique l’accepte »[50].

La première œuvre majeure de l’après-guerre fut La Valse, poème symphonique dramatique commandé pour le ballet par Serge de Diaghilev. Ravel y défigura sciemment la valse viennoise en dépeignant un « tourbillon fantastique et fatal »[51], évocation musicale de l'anéantissement par la guerre de la civilisation européenne qu'incarnaient les valses de Johann Strauss. Refusée par les Ballets russes en 1920[N 40], La Valse connut un immense succès au concert et fut finalement adaptée pour le théâtre, en 1929, pour les ballets d'Ida Rubinstein. En 1922, la vaste Sonate pour violon et violoncelle, dédiée à la mémoire de Debussy et créée par Hélène Jourdan-Morhange, matérialisait le « renoncement au charme harmonique » et la « réaction de plus en plus marquée dans le sens de la mélodie »[51] qui allaient caractériser la plupart des œuvres de Ravel au cours des années 1920.

Montfort-l’Amaury

En 1921, désireux de se fixer et d'acquérir « une bicoque à trente kilomètres au moins de Paris »[53], Ravel acheta une maison à Montfort-l’Amaury en Seine-et-Oise[N 41], le Belvédère, où il conçut la majeure partie de ses dernières œuvres. Cette époque vit la naissance des sensuelles Chansons madécasses sur des poèmes d’Évariste de Parny (1923), dans lesquelles le musicien exprima son anticolonialisme (Aoua), et de la rhapsodie virtuose pour violon et orchestre Tzigane (1924) dédiée à Jelly d'Arányi et secondairement réduite pour violon et luthéal. Le Belvédère s’imprégna vite de la personnalité de son occupant qui le décora lui-même et en fit, de son vivant, un véritable musée : collection de porcelaines asiatiques, jouets mécaniques, horloges.

Jusqu'à la fin de sa vie créatrice, Ravel mena à Montfort-l'Amaury une vie paisible entrecoupée de séjours au Pays basque et de tournées de concerts en France et à l'étranger, où il se produisait comme pianiste soliste, accompagnateur ou chef d'orchestre. Solitaire et pudique, le musicien avait cependant une riche vie sociale. Le Belvédère devint rapidement le point de ralliement du cénacle ravélien : parmi ses proches amis figuraient l’écrivain Léon-Paul Fargue, les compositeurs Maurice Delage, Arthur Honegger, Jacques Ibert, Florent Schmitt, Germaine Tailleferre, les interprètes Marguerite Long, Robert Casadesus, Jacques Février, Madeleine Grey, Hélène Jourdan-Morhange, Vlado Perlemuter, le sculpteur Léon Leyritz, et ses deux fidèles élèves, Roland-Manuel et Manuel Rosenthal. Ravel faisait de fréquents allers et retours entre Montfort-l'Amaury et Paris, dont il appréciait la vie nocturne et où il rencontrait ses amis, allait au concert ou au théâtre et fréquentait les cabarets à la mode[N 42].

Ravel observa sa vie durant une extrême discrétion concernant sa vie privée et véhicula au travers de ses portraits et photographies une image de dandy masqué derrière un « cérémonial d'élégance fastidieuse » (André Tubeuf) qui contraste avec les témoignages de ceux qui le fréquentèrent. Mais les apparences ne pouvaient entièrement cacher la solitude et la tristesse de cet homme, qui trouva une échappatoire dans l’orchestration des Tableaux d'une exposition de Moussorgski (1922), et dans une série de tournées à l’étranger (Pays-Bas, Italie, Angleterre, Espagne). La question de la sexualité du compositeur a souvent fait l'objet de gloses, sans qu'une réponse précise lui soit apportée. Ravel ne se maria jamais et aucune relation sentimentale, féminine ou masculine, ne lui est connue[N 43],[N 44],[N 45]. Une thèse récente s'attache à démontrer que Ravel aurait transcrit en musique le prénom Misia et le nom Godebska (du nom de jeune fille de Misia Sert, amie du compositeur et dédicataire de La Valse, également tante de Mimie et Jean Godebski, les jeunes dédicataires de Ma mère l'Oye), et caché ces transcriptions dans ses œuvres[N 46].

Lyrisme et blues

Ravel avait connu Colette dans les années 1900, quand ils fréquentaient le salon de madame de Saint-Marceaux autour notamment de Fauré et Debussy[60]. C'est en 1925 qu'aboutit le projet commun des deux artistes d'une fantaisie lyrique baptisée L'Enfant et les Sortilèges. La genèse de cette œuvre avait débuté en 1919, quand Colette s'était vu proposer par Jacques Rouché, alors directeur de l’Opéra de Paris, la collaboration de Ravel pour mettre en musique un poème de sa main, intitulé au départ Divertissement pour ma fille. Accaparé par d'autres projets, Ravel n'y travailla vraiment qu'à partir de 1924 pour en tirer une œuvre dont les nombreuses scènes, de par leur brièveté et la variété de leurs genres, la rapprochent plus de la comédie musicale et du music-hall que de l'opéra[N 47]. La création à Monte-Carlo en mars 1925 fut un succès, mais les représentations parisiennes de cette œuvre atypique donnèrent lieu à un accueil perplexe (le duo des chats notamment fit scandale). Colette a rapporté avec humour la relation purement professionnelle et distante dans laquelle Ravel la tint au cours de l’élaboration de ce projet[N 48]. À la fin des années 1920, Ravel s'apprêtait à devenir, avec Stravinski, le compositeur en vie le plus célèbre de son époque. Il acheva en 1927 sa Sonate pour violon et piano (dont le second mouvement est intitulé Blues) et inaugura la salle Pleyel en dirigeant La Valse.

1928 - 1932 : la consécration

La tournée américaine

L’année 1928 fut pour Ravel particulièrement faste. De janvier à avril il effectua une gigantesque tournée de concerts aux États-Unis et au Canada[N 49],[N 50] qui lui valut, dans chaque ville visitée, un immense succès[N 51]. Il se produisit comme pianiste, notamment dans sa Sonatine, accompagna sa Sonate pour violon et certaines de ses mélodies, dirigea les orchestres, donna des interviews et prononça des discours sur la musique contemporaine[N 52]. À New York, où le peintre Raymond Woog fit son portrait, il fréquenta les clubs de jazz de Harlem et se fascina pour les improvisations du jeune George Gershwin, auteur quatre ans plus tôt d'une retentissante Rhapsody in Blue et dont il appréciait particulièrement la musique[N 53]. À celui-ci lui réclamant des leçons, Ravel répondit par la négative, argumentant : « Vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel »[68]. Dans cet esprit Ravel exhorta à plusieurs reprises les Américains à cultiver la spécificité de leur musique nationale[69] :

« Vous, les Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu'à mes yeux, c'est lui qui donnera naissance à la musique nationale des États-Unis. »

— Maurice Ravel, avril 1928.

Le Boléro

De retour en France, Ravel s'attela à ce qui devait devenir son œuvre la plus célèbre et, malgré lui, l'instrument de sa consécration internationale. Après quelques tergiversations, le « ballet de caractère espagnol » que lui avait commandé son amie Ida Rubinstein en 1927 adopta le rythme d'un boléro andalou. Composé entre juillet et octobre 1928, le Boléro fut créé à Paris le 22 novembre de la même année devant un parterre quelque peu stupéfié. Loué par la critique dès sa première[70],[71],[72],[73],[74], gravé sur disque et radiodiffusé dès 1930[75], le Boléro connut en quelques mois un succès planétaire. Cette œuvre singulière, qui tient le pari de durer plus d’un quart d’heure avec seulement deux thèmes et une ritournelle inlassablement répétés, était pourtant considérée par son auteur comme une expérience d’orchestration « dans une direction très spéciale et limitée »[N 54], et Ravel lui-même s'exaspéra du succès phénoménal de cette partition qu’il disait « vide de musique »[77]. À propos d’une dame criant : « Au fou ! » après avoir entendu l’œuvre, le compositeur affirma simplement : « Celle-là, elle a compris. »[78].

En octobre 1928, Ravel reçut le titre de docteur en musique honoris causa à l’université d'Oxford. À Ciboure, en août 1930, le quai qui l'avait vu naître fut rebaptisé de son nom en sa présence.

Derniers chefs-d’œuvre

De 1929 à 1931, Ravel conçut ses deux dernières œuvres majeures. Composés simultanément et créés à quelques jours d’intervalle en janvier 1932, les deux concertos pour piano et orchestre apparaissent comme la synthèse de l’art ravélien, combinant forme classique et style moderne empruntant au jazz ; mais ces deux œuvres frappent par leur contraste. Au Concerto pour la main gauche, œuvre grandiose baignée d’une sombre lumière et empreinte de fatalisme qu’il dédia au pianiste manchot Paul Wittgenstein, répondit l’éclatant Concerto en sol dont le mouvement lent constitue l’une des plus intimes méditations musicales du compositeur. Avec les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée, composées en 1932 sur un poème de Paul Morand, les concertos mirent un point final à la production musicale de Maurice Ravel.

Le temps d’une tournée triomphale en 1932 en compagnie de la pianiste Marguerite Long, qui diffusa le Concerto en sol dans toute l’Europe, Ravel prit une dernière fois la mesure de sa renommée. De retour en France, après avoir supervisé un enregistrement de ce même concerto, il n’avait plus que des projets : notamment un ballet-oratorio, Morgiane, inspiré des Mille et Une Nuits, et un grand opéra, Jeanne d’Arc, d’après le roman éponyme de Joseph Delteil[N 55].

1933 - 1937 : les dernières années

À partir de l’été 1933, Ravel commença à présenter les signes d’une maladie cérébrale qui allait le condamner au silence pour les quatre dernières années de sa vie. Troubles de l’écriture, de la motricité et du langage en furent les principales manifestations[N 56], tandis que son intelligence était parfaitement préservée et qu’il continuait de penser sa musique, sans plus pouvoir bientôt écrire ni jouer. L’opéra Jeanne d’Arc, auquel le compositeur attachait tant d’importance, ne devait jamais voir le jour[N 57]. On pense qu’un traumatisme crânien consécutif à un accident de taxi dont il fut victime le 8 octobre 1932[N 58],[N 59] précipita les choses, mais Ravel, grand fumeur et insomniaque récurrent, semblait conscient d'un trouble depuis le milieu des années 1920. La thèse d’une atteinte neurodégénérative est aujourd'hui privilégiée[82]. Le public resta longtemps dans l’ignorance de la maladie du musicien ; chacune de ses rares apparitions publiques lui valait une ovation, ce qui rendit d’autant plus douloureuse son inaction[N 60].

En 1935, sur proposition d’Ida Rubinstein, Ravel entreprit un ultime voyage en Espagne et au Maroc, où il joua du piano non sans difficulté, puis se retira définitivement à Montfort-l’Amaury. Il faisait seul de longues promenades en forêt de Rambouillet, et malgré une affectivité, un jugement et une intelligence intactes il avait de grandes difficultés à parler, s'habiller, se servir correctement des objets de la vie quotidienne. Jusqu’à sa mort, il put compter sur la fidélité et le soutien de ses amis et de sa fidèle gouvernante, Madame Révelot. Le mal continua de progresser. Le 19 décembre 1937, malgré les réticences du musicien, le docteur Clovis Vincent, réputé le plus grand neurochirurgien français, décida de tenter une intervention chirurgicale sur son cerveau dans l'hypothèse d'une atteinte tumorale[N 61]. Ravel se réveilla un court moment après l’intervention, réclama son frère, puis plongea définitivement dans le coma[84]. Il mourut le 28 décembre 1937, à l’âge de 62 ans. Sa mort provoqua dans le monde une grande émotion, que la presse relaya dans un hommage unanime[N 62]. Le discours officiel de la République française fut prononcé à son enterrement par Jean Zay, alors ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts[85]. Le compositeur repose au cimetière de Levallois-Perret près de ses parents et de son frère.

Avec Ravel disparaissait le dernier représentant d’une lignée de musiciens qui avaient su renouveler l’écriture musicale, sans jamais renoncer aux principes hérités du classicisme. Et par là même, le dernier compositeur dont l’œuvre dans sa totalité, toujours novatrice et jamais rétrograde, soit « entièrement accessible à une oreille profane »[86].

« Je n’ai jamais éprouvé le besoin de formuler, soit pour autrui soit pour moi-même, les principes de mon esthétique. Si j’étais tenu de le faire, je demanderais la permission de reprendre à mon compte les simples déclarations que Mozart a faites à ce sujet. Il se bornait à dire que la musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre, pourvu qu’elle charme et reste enfin et toujours la musique. »

— Maurice Ravel, Esquisse autobiographique, 1928[51].

Ravel et son art

Les influences

Né à une époque particulièrement propice à l’éclosion des arts, Ravel bénéficia d’influences très diverses. Mais comme le souligne Vladimir Jankélévitch dans sa biographie, « aucune influence ne peut se flatter de l’avoir conquis tout entier […]. Ravel demeure jalousement insaisissable derrière tous ces masques que lui prêtent les snobismes du siècle »[87].

Aussi la musique de Ravel apparaît-elle d’emblée, comme celle de Debussy, profondément originale, voire inclassable selon l’esthétique traditionnelle. Ni absolument moderniste ni simplement impressionniste (comme Debussy, Ravel refusait catégoriquement ce qualificatif qu'il estimait réservé à la peinture)[N 63], elle s’inscrit bien davantage dans la lignée du classicisme français initié au XVIIIe siècle par Couperin et Rameau et dont elle fut l’ultime prolongement. Ravel par exemple (à l’inverse de son contemporain Stravinsky) ne devait jamais renoncer à la musique tonale et n'usa qu'avec parcimonie de la dissonance, ce qui ne l’empêcha pas par ses recherches de trouver de nouvelles solutions aux problèmes posés par l’harmonie et l’orchestration, et de donner à l’écriture pianistique de nouvelles directions.

De Chabrier au jazz

De Fauré et Chabrier (Sérénade grotesque, Pavane pour une infante défunte, Menuet antique) à la musique noire américaine (L’Enfant et les sortilèges, Sonate pour violon, Concerto en sol) en passant par l’école russe (À la manière de… Borodine, orchestration des Tableaux d’une exposition), Satie, Debussy (Jeux d’eau, Quatuor à cordes), Couperin et Rameau (Le Tombeau de Couperin), Chopin et Liszt (Gaspard de la nuit, Concerto pour la main gauche), Schubert (Valses nobles et sentimentales), Schönberg (Trois poèmes de Mallarmé), et enfin Saint-Saëns et Mozart (Concerto en sol), Ravel a su faire la synthèse de courants extrêmement variés et imposer son style dès ses premières œuvres. Ce style ne devait d’ailleurs que très peu évoluer au cours de sa carrière, sinon comme il le disait lui-même dans le sens d’un « dépouillement poussé à l’extrême » (Sonate pour violon et violoncelle, Chansons madécasses).

L’éclectique

Éclectique par excellence tout en s'inscrivant dans une esthétique indiscutablement française, Ravel sut tirer profit de son intérêt pour les musiques de toutes origines. L’influence notoire jouée sur son imaginaire musical par le Pays basque (Trio en la mineur) et surtout l’Espagne (Habanera, Pavane pour une infante défunte, Rapsodie espagnole, Boléro, Don Quichotte à Dulcinée) participe beaucoup à sa popularité internationale, mais conforte aussi l’image d’un musicien toujours épris de rythme et de musiques folkloriques. L’Orient (Shéhérazade, Introduction et Allegro, Ma mère l’Oye), la Grèce (Daphnis et Chloé, Chansons populaires grecques) et les sonorités tziganes (Tzigane) l’inspirèrent également.

La musique noire américaine, que lui fit mieux découvrir Gershwin au cours de la tournée américaine de 1928, fascina Ravel. Il en introduisit de nombreuses touches dans les chefs-d’œuvre de sa dernière période créatrice (ragtime dans l'Enfant et les sortilèges, blues dans le second mouvement de la Sonate pour violon, jazz dans le Concerto en sol et le Concerto pour la main gauche).

Enfin, il est nécessaire de souligner la fascination qu’exerça le monde de l’enfance sur Ravel. Que ce soit dans sa propre vie (attachement absolu, quasi infantile, à sa mère, collection de jouets mécaniques…) ou dans son œuvre (de Ma mère l’Oye à l'Enfant et les sortilèges), Ravel exprima régulièrement une extrême sensibilité et un goût prononcé pour le fantastique et le domaine du rêve.

L’orfèvre du son

« Je me refuse simplement, mais absolument à confondre la conscience de l’artiste, qui est une chose, avec sa sincérité, qui en est une autre [...]. Cette conscience exige que nous développions en nous le bon ouvrier. Mon objectif est donc la perfection technique. Je puis y tendre sans cesse, puisque je suis assuré de ne jamais l’atteindre. L’important est d’en approcher toujours davantage. L’art, sans doute, a d’autres effets, mais l’artiste, à mon gré, ne doit pas avoir d’autre but »[89].

La recherche de la perfection formelle fit autant pour le succès de Maurice Ravel auprès du public que pour sa défaveur auprès de certains critiques. Tandis que Stravinsky raillait sa méticulosité en le qualifiant d’ « horloger suisse », certains ne virent dans sa musique que sécheresse, froideur ou artifice. Ravel, qui ne reniait rien de son amour pour les artifices et les mécanismes, mais cherchait toujours, en citant Edgar Allan Poe, « le point à égale distance de la sensibilité et de l’intelligence »[90], répliqua avec une formule lapidaire : « Mais est-ce qu’il ne vient jamais à l’esprit de ces gens-là que je peux être artificiel par nature ? »[91].

Composer semble n’avoir jamais été chose facile pour Ravel. Son refus de céder à cette « haïssable sincérité de l’artiste, mère de tant d'œuvres bavardes et imparfaites » lui donna le goût de la contrainte auto-imposée, et plus encore de la difficulté vaincue. C’est en partie ce qui explique la faible abondance de ses œuvres (et notamment d'œuvres « de second plan »), dans une période créatrice pourtant longue de près de quarante ans, et l'état d'inachèvement dans lequel il laissa plusieurs projets, notamment Shéhérazade (opéra, 1898), La Cloche engloutie d'après Gerhart Hauptmann (opéra, 1906), et Zazpiak Bat (concerto, 1914). Par ailleurs, Ravel ne nous a laissé presque aucune esquisse. Pleinement conscient de son caractère, le compositeur pouvait confier à Manuel Rosenthal : « Oui, mon génie, c’est vrai, j’en ai. Mais qu’est-ce que c’est ? Eh bien, si tout le monde savait travailler comme je sais travailler, tout le monde ferait des œuvres aussi géniales que les miennes »[92].

Quoi qu’il en soit, de l’ouverture de L'Heure espagnole aux onomatopées de L'Enfant et les Sortilèges, de la pédale obstinée de si bémol du Gibet dans Gaspard de la nuit à la rigidité rythmique du Boléro, cet entêtement dans la quête de la perfection et ce goût de la gageure sont un des traits ravéliens les plus caractéristiques.

L’orchestrateur

Ravel fut selon Marcel Marnat « le plus grand orchestrateur français » et de l’avis de nombreux mélomanes l’un des meilleurs orchestrateurs de l’histoire de la musique occidentale. Son œuvre la plus célèbre, le Boléro, doit sa tenue à la seule variation des timbres et à un immense crescendo de l’orchestre.

Passé maître dans le maniement des timbres (quoique n’étant pas lui-même adepte de nombreux instruments), sachant trouver l’équilibre harmonieux le plus subtil, Ravel sut transcender de nombreuses œuvres originales (le plus souvent écrites pour le piano) et leur donner une dimension nouvelle, que ces pages fussent de lui (Ma mère l’Oye, 1912, Valses nobles et sentimentales, 1912, Alborada del gracioso, 1918, Le Tombeau de Couperin, 1919…) ou de ses éminents confrères : Moussorgski (Khovantchina, 1913), Schumann (Carnaval, 1914), Chabrier (Menuet pompeux, 1918), Debussy (Sarabande et Danse, 1923) ou encore Chopin (Étude, Nocturne et Valse, 1923).

Mais ce fut l’orchestration des célèbres Tableaux d'une exposition de Moussorgski, commande de Serge Koussevitzky achevée en 1922 à Lyons-la-Forêt chez son ami Roland-Manuel, qui assit définitivement la réputation internationale de Ravel en la matière. Sa version reste la référence et éclipse celle des autres compositeurs qui s’y sont essayés, même si [réf. nécessaire]certains regrettent que ce travail ait diminué la simplicité et la naïveté de la page originale. Les Tableaux orchestrés par Ravel font partie, avec le Boléro, des œuvres françaises les plus représentées à l’étranger.

L’interprète

Faute d'un entraînement assidu, Ravel fut bon pianiste sans être un virtuose (certaines de ses propres œuvres, notamment le Concerto en sol qu’il rêvait de présenter lui-même[N 64], lui restèrent inaccessibles). Il fut propriétaire de plusieurs pianos, le dernier étant encore exposé à Montfort-l'Amaury. Au piano, le compositeur assura la création, entre autres, de ses Histoires naturelles (1907), des Mélodies hébraïques (1914), de La Valse (1920), de la Berceuse sur le nom de Fauré (1922) et, avec Georges Enesco, de la Sonate pour violon et piano (1927). Au cours de sa tournée américaine en 1928, il joua sa Sonatine, accompagna sa Sonate pour violon et certaines de ses mélodies.

En tant que chef d’orchestre, Ravel créa l'ouverture de Shéhérazade (1899) et la version de concert du Boléro (1930). À la baguette il n’égala jamais, même de loin, ses qualités d’orchestrateur. Le seul enregistrement[N 65] qu’il a laissé (un Boléro daté de 1930) et les témoignages de l’époque confirment que Ravel n’était pas un virtuose au pupitre. Il dirigea pourtant avec un immense succès son Concerto en sol au cours de sa dernière tournée, en 1932.

Œuvres principales

D'un volume relativement modeste si on la compare à celle de ses principaux contemporains, l'œuvre de Ravel se caractérise d'une façon générale par sa diversité (tous les genres musicaux ayant été abordés à l'exception de la musique religieuse) et sa faible proportion de titres oubliés, la très grande majorité de ses œuvres ayant intégré le répertoire. Le catalogue complet[94] établi par Arbie Orenstein et complété par Marcel Marnat compte cent onze œuvres achevées par le compositeur entre 1887 et 1933, soit quatre-vingt-six œuvres originales et vingt-cinq œuvres orchestrées, réduites ou transcrites. Les quelque soixante œuvres principales sont sous-citées.

Œuvres originales

Œuvres pour piano
Période Titre Instrumentation Parties / Indications
1892 - 93 Sérénade grotesque Piano 2 mains Très rude
1895 Menuet antique Piano 2 mains Majestueusement
1895 - 97 Sites auriculaires 2 pianos I. Habanera (En demi-teinte et d'un rythme las) - II. Entre cloches (Allègrement)
1899 Pavane pour une infante défunte Piano 2 mains Assez doux, mais d'une sonorité large
1901 Jeux d'eau Piano 2 mains Très doux
1903 - 05 Sonatine Piano 2 mains I. Modéré - II. Mouvement de menuet - III. Animé
1904 - 05 Miroirs Piano 2 mains I. Noctuelles - II. Oiseaux tristes - III. Une barque sur l'océan - IV. Alborada del gracioso - V. La vallée des cloches
1908 Gaspard de la nuit Piano 2 mains I. Ondine - II. Le gibet - III. Scarbo
1908 - 10 Ma mère l'Oye Piano 4 mains I. Pavane de la Belle au bois dormant - II. Petit Poucet - III. Laideronnette, impératrice des pagodes - IV. Les entretiens de la Belle et de la Bête - V. Le jardin féerique
1909 Menuet sur le nom de Haydn Piano 2 mains Mouvement de menuet
1911 Valses nobles et sentimentales Piano 2 mains I. Modéré. Très franc - II. Assez lent - III. Modéré - IV. Assez animé - V. Presque lent - VI. Vif - VII. Moins vif - VIII. Épilogue. Lent
1912 À la manière de... Chabrier Piano 2 mains Allegretto
1912 À la manière de... Borodine Piano 2 mains Valse. Allegro giusto
1913 Prélude en la mineur Piano 2 mains Assez lent et très expressif
1914 - 17 Le Tombeau de Couperin Piano 2 mains I. Prélude - II. Fugue - III. Forlane - IV. Rigaudon - V. Menuet - VI. Toccata
1918 Frontispice 2 pianos 5 mains Pas d'indication
Œuvres orchestrales
Période Titre Instrumentation Parties / Indications
1898 Ouverture de Shéhérazade Orchestre Ouverture de féerie
1907 Rapsodie espagnole Orchestre I. Prélude à la nuit - II. Malagueña - III. Habanera - IV. Feria
1909 - 12 Daphnis et Chloé Orchestre et chœurs Symphonie chorégraphique en trois parties
1919 - 20 La Valse Orchestre Mouvement de valse viennoise - Un peu plus modéré - 1er Mouvement - Assez animé
1922 - 24 Tzigane Violon et orchestre Lento - Moderato - Allegro
1928 Boléro Orchestre Tempo di Bolero moderato assai
1929 - 30 Concerto pour la main gauche Piano et orchestre Lento - Allegro - Tempo I
1929 - 31 Concerto en sol majeur Piano et orchestre I. Allegramente - II. Adagio assai - III. Presto
Musique de chambre
Période Titre Instrumentation Parties / Indications
1897 Sonate posthume Violon, piano Allegro moderato
1902 - 03 Quatuor à cordes 2 violons, alto, violoncelle I. Allegro moderato - II. Assez vif, très rythmé III. Très lent - IV. Vif et agité
1905 Introduction et Allegro Harpe, flûte, clarinette, 2 violons, alto, violoncelle Introduction - Allegro
1914 Trio avec piano Piano, violon, violoncelle I. Modéré - II. Pantoum. Assez vif - III. Passacaille. Très large - IV. Finale. Animé
1920 - 22 Sonate pour violon et violoncelle Violon, violoncelle I. Allegro - II. Très vif - III. Lent - IV. Vif, avec entrain
1924 Tzigane Violon, piano ou luthéal Lento - Moderato - Allegro
1924 - 27 Sonate pour violon et piano Violon, piano I. Allegretto - II. Blues. Moderato - III. Perpetuum mobile
Mélodies et musique vocale
Période Titre Instrumentation Parties / Indications
1896 Sainte Baryton, piano « À la fenêtre recélant ... » - (Stéphane Mallarmé)
1897 - 99 Deux épigrammes de Clément Marot Soprano et piano I. D'Anne qui me jecta de la neige - II. D'Anne jouant de l'espinette
1901 Myrrha Soprano, ténor, baryton, orchestre Cantate pour le Prix de Rome - (Lord Byron)
1902 Alcyone Soprano, ténor, baryton, orchestre Cantate pour le Prix de Rome - (Ovide)
1903 Alyssa Soprano, ténor, baryton, orchestre Cantate pour le Prix de Rome - (Marguerite Coiffier)
1903 Shéhérazade Soprano et orchestre I. Asie - II. La flûte enchantée - III. L'indifférent - (Tristan Klingsor)
1906 Histoires naturelles Voix et piano I. Le paon - II.Le grillon - III. Le cygne - IV. Le martin-pêcheur - V. La pintade - (Jules Renard)
1907 Cinq mélodies populaires grecques (en grec) Soprano et piano I. Chanson de la mariée (Xypnise pe) - II. Là-bas, vers l'église - III. Quel galant m'est comparable - IV. Chanson des cueilleuses de lentisques - V. Tout gai ! - (Grèce)
1913 Trois poèmes de Mallarmé Voix et orchestre de chambre I. Soupir - II. Placet futile - III. Surgi de la croupe et du bond - (Stéphane Mallarmé)
1914 Deux mélodies hébraïques Voix et piano I. Kaddich - II. L'énigme éternelle - (Israël)
1914 - 15 Trois chansons pour chœur mixte a cappella Chœur mixte a cappella I. Nicolette - II. Trois beaux oiseaux du paradis - III. Ronde - (Maurice Ravel)
1922 Chansons madécasses Soprano/baryton, piano, flûte et violoncelle I. Nahandove - II. Aoua - III. Il est doux - (Évariste de Parny)
1923 - 24 Ronsard à son âme Voix et piano « Amelette Ronsardelette ... » - (Pierre de Ronsard)
1927 Rêves Voix et piano « Un enfant court ... » - (Léon-Paul Fargue)
1932 - 33 Don Quichotte à Dulcinée Baryton et piano/orchestre I. Chanson romanesque - II. Chanson épique - III. Chanson à boire - (Paul Morand)
Œuvres lyriques
Période Titre Description
1907 - 11 L'Heure espagnole Opéra pour cinq voix solistes avec orchestre sur un livret de Franc-Nohain
1919 - 25 L'Enfant et les Sortilèges Fantaisie lyrique en deux parties pour solistes et chœurs avec orchestre sur un livret de Colette

Orchestrations et arrangements

Arrangements de ses propres œuvres
Période Titre Arrangement Parties / Indications
1906 Une barque sur l'océan Orchestration D'un rythme souple
1909 Rapsodie espagnole Réductions pour piano 4 mains I. Prélude à la nuit - II. Malagueña - III. Habanera - IV. Feria
1910 Pavane pour une infante défunte Orchestration Lent
1911 - 12 Ma mère l'Oye Orchestration I. Prélude - II. Danse du rouet et scène - III. Pavane de la Belle au bois dormant - IV. Les entretiens de la Belle et de la Bête - V. Petit Poucet - VI. Laideronnette, impératrice des pagodes - VII. Le jardin féerique
1912 Adélaïde ou le langage des fleurs (Valses nobles et sentimentales) Orchestration I. Modéré. Très franc - II. Assez lent - III. Modéré - IV. Assez animé - V. Presque lent - VI. Vif - VII. Moins vif - VIII. Épilogue. Lent
1918 Alborada del gracioso Orchestration Assez vif
1919 Le Tombeau de Couperin Orchestration I. Prélude - II. Forlane - III. Menuet - IV. Rigaudon
1920 La Valse Réductions pour 2 pianos Mouvement de valse viennoise
1929 Boléro Réduction pour piano Tempo di Bolero moderato assai
1929 Menuet antique Orchestration Maestoso
1932 Concerto en sol majeur Réduction pour 2 pianos I. Allegramente - II. Adagio assai - III. Presto
Arrangements d’autres œuvres
Période Titre Auteur original Arrangement Parties / Indications
1909 Trois Nocturnes Claude Debussy Réduction pour 2 pianos I. Nuages - II. Fêtes - III. Sirènes
1910 Prélude à l'après-midi d'un faune Claude Debussy Réduction pour piano à 4 mains Très modéré
1913 La Khovanchtchina Modeste Moussorgski Orchestration Orchestration complétée avec Igor Stravinski
1914 Carnaval Robert Schumann Orchestration
1914 Les Sylphides Frédéric Chopin Orchestration I. Prélude - II. Nocturne - III. Valse
1917 - 18 Menuet pompeux Emmanuel Chabrier Orchestration 9e des Dix pièces pittoresques
1922 Tableaux d'une exposition Modeste Moussorgski Orchestration 10 tableaux et 5 promenades
1923 Sarabande et Danse Claude Debussy Orchestration I. Sarabande - II. Danse ou Tarentelle styrienne

Œuvres les plus jouées

D’après le Portail de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique[95] (Sacem), Ravel est un des musiciens français non tombés dans le domaine public qui s’exportent le mieux depuis des décennies. Le Boléro est ainsi resté plusieurs années en tête du classement mondial des droits SACEM, suivi de près par l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski. En 1994 et 1995, sur les dix œuvres les plus exportées à l'international, cinq étaient de Ravel : le Boléro, les Tableaux d’une exposition, Daphnis et Chloé, le Concerto en sol et Ma mère l’Oye. En 2014, le Boléro et les Tableaux d'une exposition pointaient encore dans le Top 20 des droits en provenance de l'étranger[96].

L'œuvre de Ravel et les droits d'auteur

En 1937, à la mort de Maurice Ravel, son frère Édouard est son seul héritier. Il transforme la maison de Montfort-l'Amaury en musée. En 1954, à la suite d'un accident de voiture, une infirmière, Jeanne Taverne, s'occupe de lui, et son époux Alexandre devient le chauffeur d'Édouard. En 1956, la femme d'Édouard Ravel meurt, et les époux Taverne s'installent chez Édouard à Saint-Jean-de-Luz. Le frère de Ravel décide alors de céder 80 % des droits d'auteurs à la Ville de Paris, mais il se ravise et fait de Jeanne Taverne sa légataire universelle. En 1960, Édouard Ravel meurt. Les petits-neveux de Maurice dressent un procès aux époux Taverne pour captation d'héritage, mais ils sont déboutés. En 1964, Jeanne Taverne disparaît et son mari Alexandre hérite de la fortune du Boléro, à savoir 36 millions de francs.

C'est alors qu'entre en jeu Jean-Jacques Lemoine, directeur juridique de la SACEM qui, après en avoir démissionné, devient avocat. Il se lie avec Alexandre Taverne et devient son conseiller juridique. Ils attaquent en justice René Dommange, le patron des éditions Durand, propriétaire des contrats d'édition de Ravel, pour obtenir une refonte de ces mêmes contrats très avantageux pour l'éditeur. René Dommange, âgé de plus de 80 ans, transige et finit par céder tous les droits et contrats d'édition à Jean-Jacques Lemoine. Ce dernier crée alors en 1971 la société off-shore ARIMA (Artists Rights International Management Agency) installée à Gibraltar, et en vertu d'un assignment of copyright (disposition en droit anglo-saxon, inexistante en droit français), Alexandre Taverne cède plus de la moitié des droits d'édition à ARIMA. D'après Evelyne Pen de Castel, fille de la deuxième épouse d'Alexandre Taverne, Georgette Taverne, ARIMA serait le cessionnaire exclusif de tous les droits sur l'œuvre de Maurice Ravel, soit un revenu annuel de 2 millions d'euros depuis 40 ans[97].

En France, à la suite de la loi Lang de 1985, les droits sur l'œuvre de Maurice Ravel ont été prolongés de 50 à 70 ans, ce qui, pour toutes les créations postérieures au 31 décembre 1920 (date de fin des prorogations de guerre de la Première Guerre mondiale, les ont fait entrer dans le domaine public en France le 1er mai 2016, compte-tenu du cumul des prorogations de guerre[98],[99]. Les créations publiées antérieurement au 31 décembre 1920 sont concernées par les prorogations des deux guerres mondiales : elles entreront dans le domaine public en 2022[100],[101],[102].

  • Au Canada, au Japon et dans les pays observant un délai de 50 ans post mortem[N 66], le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le 1er janvier 1988.
  • Aux États-Unis, le Boléro de Ravel est protégé jusqu'en 2024[N 67].
  • Dans l'Union européenne et dans les pays observant un délai de 70 ans post mortem, le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le 1er janvier 2008[103]. En France, il y est placé le 2 mai 2016[99], à cause des prorogations de guerre, dues à la Seconde Guerre mondiale, ce qui a allongé la durée des droits d'auteur de 8 ans et 120 jours (soit 3 042 jours écoulés du 3 septembre 1939 au 1er janvier 1948).

Annexes

Bibliographie

Biographies

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Roland-Manuel, Ravel, Paris, éditions de la Nouvelle Revue Critique, coll. « À la gloire de... », 1938, 287 p. (notice BnF no FRBNF32580891)
    Première biographie de Maurice Ravel.
  • Colette, Maurice Delage, Léon-Paul Fargue, Hélène Jourdan-Morhange et Tristan Klingsor (ill. Galanis, Luc-Albert Moreau, Roger Wild), Maurice Ravel, par quelques-uns de ses familiers, Paris, éditions du Tambourinaire, 1939, 191 p. (notice BnF no FRBNF33475564)
    Hommage à Ravel coécrit par M. Delage, Léon-Paul Fargue, Hélène Jourdan-Morhange, Tristan Klingsor, Roland-Manuel, Dominique Sordet, Émile Vuillermoz et J. de Zogheb.
  • Hélène Jourdan-Morhange (préf. Colette, ill. Luc-Albert Moreau), Hélène Jourdan-Morhange. Ravel et nous : l'homme, l'ami, le musicien, Genève, éditions du Milieu du monde, 1945, 271 p. (notice BnF no FRBNF32291620)
    Recueil des souvenirs d'une proche de Ravel, préfacé par Colette.
  • Marguerite Long, Au piano avec Maurice Ravel : textes réunis et présentés par le professeur Pierre Laumonier, Paris, Juillard, 1971, 189 p. (notice BnF no FRBNF35199655)
    Témoignages éclairés d’une grande pianiste proche du compositeur.
  • Marcel Marnat, Maurice Ravel, Fayard, coll. « Indispensables de la musique », 1986, 828 p. (ISBN 2-213-01685-2, notice BnF no FRBNF43135722)
    Biographie d’une formidable richesse documentaire. La vie de Ravel replacée en permanence dans le contexte de son temps. Catalogue complet des œuvres. En revanche, Marnat ne dispose pas encore de la correspondance (environ 1 500 lettres) publiées partiellement en 1989 pas Arbie Orenstein.
  • Marcel Marnat, Maurice Ravel : qui êtes-vous ? : l'hommage de la Revue Musicale, décembre 1938, Lyon, éditions de la Manufacture, 1987, 487 p. (ISBN 2-7377-0052-3, notice BnF no FRBNF38293710)
    Réédition du numéro spécial de la Revue Musicale paru en décembre 1938 pour l'anniversaire de la mort de Ravel, présenté et annoté par Marcel Marnat.
  • Maurice Ravel, Lettres, écrits et entretiens : réunis, présentés et annotés par Arbie Orenstein ; trad. de Dennis Collins ; interprétations historiques (1911-1988) par Jean Touzelet, Paris, Flammarion, coll. « Harmoniques. Série Écrits de musiciens », 1989, 626 p. (ISBN 2-08-066103-5, notice BnF no FRBNF36633974)
    Recueil de la correspondance et des principaux documents écrits de Ravel.
  • Vladimir Jankélévitch, Ravel, Le Seuil, coll. « Solfèges », 1995 (1re éd. 1939), 220 p. (ISBN 2-020234904, notice BnF no FRBNF35749890)
    Troisième édition, augmentée d’un catalogue exhaustif de l’œuvre musicale et d’un index, comporte aussi une nouvelle discographie et une bibliographie mise à jour.
  • Étienne Rousseau-Plotto, Ravel : portraits basques, Anglet, Séguier, coll. « Empreinte », 2004, 305 p. (ISBN 2-84049-360-8, notice BnF no FRBNF39272583) — Seconde édition corrigée, augmentée et réillustrée, Biarritz, Atlantica, 2016, 343 p.
    Cet ouvrage présente la vie du compositeur au Pays basque, ainsi que ses liens avec sa région natale (origines maternelles, séjours, amis, langue, musique) ; 150 photographies, 26 planches couleur ; index.
  • Yves Milon (préf. Manuel Rosenthal), Maurice Ravel à Montfort-L'amaury, Paris, Asa éditions, 199, 112 p. (ISBN 2-911589-10-6, notice BnF no FRBNF37032037)
  • Geneviève Bailly (préf. Oswald Sallaberger), Ravel à Lyons-la-Forêt, Paris, Freylin, 2012 (1re éd. 2007), 92 p. (ISBN 978-2-9530386-1-3, notice BnF no FRBNF42792365)
  • David Lamaze, Le cœur de l'horloge : une dédicace cachée dans la musique de Ravel, Saint-Brieuc, Reflets de Misia, 2010, 272 p. (ISBN 978-2-7466-0524-4, notice BnF no FRBNF42319217)
    L'ouvrage présente les indices biographiques et analytiques de la transcription musicale par Ravel d'un nom et d'un prénom.

Romans

  • Michel Bernard, Les forêts de Ravel, Paris, éditions de la Table Ronde, 2015, 208 p. (ISBN 978-2-7103-7998-0, notice BnF no FRBNF45095291)
    Ce roman est une évocation de l'engagement de l'auteur durant la Première Guerre mondiale.
  • Jean Echenoz, Ravel, Paris, éditions de Minuit, 2006, 141 p. (ISBN 2-707319309, notice BnF no FRBNF41175577)
    Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur.
  • David Lamaze, Le Cygne de Ravel, Paris, Michel de Maule, 2006, 250 p. (ISBN 2-87623-196-4, notice BnF no FRBNF40217290)
    Ce roman présente sous forme d'intrigue l'hypothèse d'une dédicace cachée par Ravel dans sa musique.

Films

  • Paul Danblon et Alain Denis, Maurice Ravel, l'homme et les sortilèges, Documentaire, RTBF, 1975.
  • Guy Gilles, Monsieur Ravel, Fiction (23 min), téléfilm, ORTF, 1979.
  • Didier Lemaire, Noctuelles, ronde enfantine chez Ravel, Fiction (21 min), musique Junko Okazaki, Les Productions du Golem, 2015.

Citations

  • « Mozart et Ravel sont les anges de la musique. Si Mozart est déjà loin de nous et qu'il faille le lire dans le texte, comme on lit Virgile et Racine, Ravel, lui, est la lampe douce qui luit sur la médiocrité contemporaine. Son verbe gracieux est notre verbe. Qu'on le veuille ou non, depuis 1937, on attend toujours l'AUTRE, celui qui sera aussi grand que lui » (Léo Ferré, Musique byzantine, 12 décembre 1953)[104] ;
  • « J'aime Maurice Ravel parce que Ravel est à la musique ce que la musique a d'universel. Et à mon avis, Ravel est à l'intelligence ce que l'intelligence a de parfaitement et de typiquement français » (Jacques Brel, en prélude à son émission de radio Madame la musique, 1961)[105].

Articles connexes

  • Musique moderne
  • Ballets russes

Liens externes

Ressources biographiques

Ressources documentaires

Institutions

Notes et références

Notes

  1. De nationalité française, Joseph Ravel est né à Versoix dans le canton de Genève où son père, né en Savoie à Collonges-sous-Salève en 1800, exerce la profession de boulanger[1].
  2. La courte Esquisse autobiographique de Maurice Ravel, dictée par le musicien à son élève et ami Roland-Manuel en octobre 1928, a paru pour la première fois dans la Revue musicale de décembre 1938. Elle est reprise intégralement dans les ouvrages d’Arbie Orenstein[6] et Vladimir Jankélévitch[7].
  3. « Mon maître préféré ? En ai-je un ?... En tout cas, j'estime que Mozart demeure au plus parfait de tous. [...] Il n'était que musique. » — Ravel cité par Nino Franck dans le journal Candide, mai 1932.
  4. « J’en perçois fort bien les défauts : l'influence de Chabrier, trop flagrante, et la forme assez pauvre. L'interprétation remarquable de cette œuvre incomplète et sans audace a contribué beaucoup, je pense, à son succès »[9].
  5. « Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers, il ne nous prendra pas impunément pour des imbéciles » — un membre de la section musicale de l’Institut apprenant la candidature de Ravel en 1905[12].
  6. « Le concours solennel du prix de Rome est précédé d'une épreuve préparatoire, qui sert à éliminer les élèves dont l'instruction est insuffisante. Le jury de cette épreuve est formé de la section de musique de l'Académie des beaux-arts, à quoi l’on adjoint quelques compositeurs non académiciens. Les professeurs des concurrents ne peuvent faire partie du jury, à moins qu'ils ne soient membre de l'Institut, auquel cas ils sont jurés de droit : l'Institut décerne ainsi à ses membres un brevet d'impartialité »[13].
  7. « Vers le début du mois de mai 1905 s'ouvrait le concours préliminaire aux épreuves du prix de Rome. Dix-neuf concurrents se présentaient : ils appartenaient aux classes de MM. Fauré, Lenepveu et Widor. [...] Résultat : seuls sont reçus six élèves de M. Lenepveu, le seul professeur qui fût en même temps membre du jury. Parmi les candidats refusés se trouvaient Mlle Fleury, élève de M. Widor, et M. Ravel, élève de M. G. Fauré, tous deux seconds prix de Rome à l'un des précédents concours. [...] Comment se fait-il que deux seconds prix de Rome ne soient même plus jugés dignes de concourir ? Et la constitution du jury ne le rend-elle pas suspect ? Et le résultat du concours ne confirme-t-il pas ces soupçons, avec une sorte de candeur naïve et stupéfiante ? N'est-ce pas le cas, ou jamais, de réviser un jugement où se sourit à elle-même la plus béate iniquité ? »[14].
  8. « Ceci ne vous semble-t-il pas suspect ? Dix-neuf candidats se présentent, sur lesquels huit ont reçu l'enseignement de M. Lenepveu ; il y a six places de logistes à obtenir : elles échoient à six élèves de M. Lenepveu. [...] MM. Gabriel Fauré et Widor ne savent donc pas apprendre, eux aussi, la fugue, le contrepoint et la composition suffisamment pour permettre à des apprentis musiciens de traiter un motif de fugue ou d'écrire un chœur dans un sentiment convenable ? »[15].
  9. « Entre toutes les stupéfactions que nous réservait cet examen désormais célèbre, celle-ci, à coup sûr, était la plus déconcertante puisque, dans ce jury si sévère, la majorité des suffrages appartenait aux mêmes et identiques membres de l'Institut qui, hier, avaient couronné les deux évincés d'aujourd'hui »[16].
  10. « Il y a un demi-siècle, dans un concours de Rome où M. Saint-Saëns, déjà dans la plénitude de son talent, était un des concurrents, l'Institut préféra à M. Saint-Saëns on ne sait quel musicien qui vient de mourir dans l'obscurité. M. Saint-Saëns est aujourd'hui de l'Institut ; mais l'Institut n'a pas compris la leçon »[13].
  11. « Je ne suis pas ami de Ravel. Je puis même dire que je n'ai pas de sympathie personnelle pour son art subtil et raffiné. Mais ce que la justice me commande de dire, c'est que Ravel n’est pas seulement un élève qui donne des promesses ; il est dès à présent un des jeunes maîtres les plus en vue de notre école, qui n’en compte pas beaucoup. [...] et je ne conçois pas que l'on s'obstine à garder une école de Rome, si c'est pour en fermer les portes aux rares artistes qui ont en eux quelque originalité, à un homme comme Ravel qui s'est désigné aux concerts de la Société nationale par des œuvres bien autrement importantes que toutes celles qu'on peut exiger à un examen. Un tel musicien faisait honneur au concours. [...] C’est le devoir de chacun de protester contre un jugement qui, même s’il est conforme à la justice littérale, blesse la justice réelle de l’art. » — Romain Rolland, lettre écrite à Paul Léon, directeur de l’Académie des Beaux-Arts, mai 1905[17].
  12. La raison exacte de la démission de Dubois est débattue, le compositeur ayant apparemment projeté de démissionner en mars 1905, deux mois avant « l’affaire Ravel »[18].
  13. « L'échec manigancé d'un jeune et audacieux compositeur au concours de Rome suscite un tollé général ; les journaux quotidiens s'en emparent et multiplient les interviews ; le retoqué y récolte un renom subit, tandis que M. Lenepveu en dégringole de ses rêves directoriaux, car « l'Administration  » même s'en émeut : un Gabriel Fauré nommé par un ministre, sur la proposition d'un secrétaire d'État »[20].
  14. « J’ai trouvé plus debussyste que Debussy : Ravel » — Romain Rolland, 1901.
  15. « Ravel est un prix de Rome d'un très grand talent. Un Debussy plus épatant. Il me certifie — toutes les fois que je le rencontre — qu'il me doit beaucoup. Moi, je veux bien. »Erik Satie, lettre à son frère Conrad, 14 janvier 1911[21].
  16. À propos des Miroirs qui venaient d'être créés, le critique Pierre Lalo écrivait dans Le Temps du 30 janvier 1906 : « Le plus saillant de ces défauts est une étrange ressemblance avec M. Claude Debussy ; ressemblance si extrême et si frappante que souvent, en écoutant quelque morceau de M. Ravel, on croit entendre un fragment de Pelléas et Mélisande »[22].
  17. Pour commenter Une Barque sur l'océan et les Histoires naturelles, Lalo rajoutait dans Le Temps du 19 mars 1907 : « Dans l'un comme dans l'autre de ces ouvrages, on entend sans cesse l'écho particulier de la musique de M. Debussy. (...) c'est un fait incontestable qu'une très grande part des jeunes compositeurs français font de la musique « debussyste » »[23].
  18. Après la création de L'Heure espagnole, Lalo réitérait dans Le Temps du 28 mai 1911 : « Que pour la matière musicale qu'il emploie, pour les suites d'accord et les recherches d'harmonie qui lui sont coutumières, M. Ravel doive beaucoup à M. Debussy, c'est un fait manifeste. Mais l'âme de sa musique et de son art est absolument différente. M. Debussy est toute sensibilité ; M. Ravel tout insensibilité. Où M. Ravel a paru uniquement debussyste, c'est dans les pièces où il a fait de la musique pittoresque, parce que n'ayant pas de sensibilité personnelle, il empruntait, en même temps que les procédés techniques, la sensibilité d'autrui »[24].
  19. Marcel Marnat note ainsi l'influence de Ravel sur Debussy dans les Estampes (1903), les Études (1915), l'orchestration des Images (1905) et celle de Jeux (1912)[25].
  20. En mars 1907, Ravel écrivit au directeur du Temps pour démentir un article de Pierre Lalo qui lui prêtait, outre l'absence de personnalité, de « singuliers propos » envers Debussy[26].
  21. En 1913, Ravel et Debussy choisirent tous deux de mettre en musique trois poèmes de Mallarmé, dont deux, par pure coïncidence, étaient les mêmes (Soupir et Placet futile). Ravel en ayant obtenu les droits le premier, Debussy crut à une manigance de son confrère (C. Debussy, Correspondance (1872 - 1918), Gallimard, Paris, 2005, lettre 1913-129, p. 1651). En réalité, Ravel intercéda pour que Debussy obtienne lui aussi les droits des poèmes, et dans une lettre à Roland-Manuel, le 27 août 1913, il écrivit non sans malice : « Nous assisterons bientôt à un match Debussy-Ravel »[27].
  22. En 1928, le musicologue et critique Louis Laloy écrivit : « J'ai fait tout mon possible pour prévenir entre eux un malentendu, mais trop d'étourdis touche-à-tout semblaient prendre plaisir à le rendre inévitable, sacrifiant par exemple le quatuor de Debussy à celui de Ravel, ou bien encore, soulevant entre la « Habanera » et la deuxième des Estampes, d'absurdes questions de priorité »[28].
  23. Sur les plus de deux mille cinq cents lettres de Debussy rassemblées par François Lesure et Denis Herlin[29], seules cinq missives très laconiques sont adressées à Ravel, toutes antérieures à 1905 ; une seule fois, en mars 1904, Debussy prend ouvertement le parti de son cadet « au nom de tous les Dieux, et au [sien] » pour défendre son quatuor à cordes contre des critiques qui le pressaient de le faire jouer moins fort[30] ; par la suite, le nom de Ravel n'apparaît plus qu'une douzaine de fois, de façon évasive, dans toute sa correspondance.
  24. Xavier-Cyprien (dit Cipa) et Ida Godebski, fille de Franciszek Kasparek, polonaise installée à Paris, comptèrent parmi les plus fidèles amis de Ravel qui dédia Ma mère l’Oye à leurs enfants Jean et Mimie. Cipa était le fils du sculpteur Cyprian Godebski et le frère de Misia Sert, la future dédicataire de La Valse.
  25. Pierre Lalo, dans Le Temps du 28 mai 1911, pointa « un vaudeville grivois, d'originalité médiocre, de style tantôt plat et tantôt prétentieux, [qui] convient fort mal à la musique »[31].
  26. « Le soir du Sacre, j’avais vu un Ravel coléreux, insolent, cramoisi, défendant l’œuvre qu’il aimait avec une indignation tonitruante » — Valentine Hugo[32].
  27. Petite taille, faible poids et fragilité générale, auxquelles il faudrait ajouter une hernie, d'après les Archives de Paris, cote DR 553-1895[33].
  28. « Comme vous le prévoyiez, mon aventure s'est terminée de la façon la plus ridicule : on ne veut pas de moi parce qu'il me manque deux kilos. » — Lettre de Ravel à Ida Godebska, 8 septembre 1914[35].
  29. « Il me manque deux kilos pour avoir le droit de me mêler à cette lutte splendide. » — Lettre de Ravel à Mme Alfredo Casella, 21 septembre 1914[36].
  30. « Après plus d'un an de démarches, je vais être versé dans l'aviation. J'ai passé visites et contre-visites : le cœur et les poumons sont encore bons. Espérons que le premier aura assez d'élasticité pour se placer dans le ventre au bon moment. » — Lettre de Ravel à Roland-Manuel, 14 décembre 1915[37].
  31. « Trente millions de boches ne peuvent pas détruire la pensée française » proclamait Debussy en signant sa Sonate pour violon et piano[38].
  32. Lettre écrite par Ravel le 7 juin 1916 depuis la zone des armées et envoyées au Comité de la Ligue nationale pour la défense de la musique française[39].
  33. « Il y a si peu de temps que je lui écrivais, que je recevais ses pauvres lettres qui m'attristaient... et pourtant, c'était pour moi une si grande joie. J'étais encore heureux à ce moment, malgré cette angoisse sourde... Je ne savais pas que ça viendrait si vite. À présent, c'est cet horrible désespoir, les mêmes pensées tendues [...] » — Lettre de Ravel à Mme Fernand Dreyfus (sa marraine de guerre, et belle-mère de Roland-Manuel), 9 février 1917[42].
  34. « Je songe qu’il y aura bientôt trois ans qu’elle est partie (...) J’y songe encore plus depuis que je me suis remis au travail, que je n’ai plus cette chère présence silencieuse m’enveloppant de sa tendresse infinie, ce qui était, je le vois plus que jamais, ma seule raison de vivre. » — Lettre de Ravel à Ida Godebska, 27 décembre 1919[43].
  35. Les deux hommes ne furent pas amis, leurs relations restant toujours professionnelles avec même une certaine rivalité. Mais Ravel ne manqua jamais de rappeler combien Debussy comptait dans son estime — Entretien accordé au New York Times, 7 août 1929.
  36. « Autour de M. Fauré se groupent de nombreux élèves ou disciples : Maurice Ravel, qui occupe aujourd'hui à l'égard de l'étranger, en tête des musiciens français, la place prépondérante et représentative échue jadis à Debussy [...] »[44].
  37. La Légion d'honneur fut proposée à Ravel par Léon Bérard, alors ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Le silence de Ravel, alors retiré à Lapras en Ardèche où il composait La Valse, fut considéré comme valant acceptation : promu le 15 janvier 1920 et cité au Journal officiel du 17 janvier[46], il refusa de s'acquitter des droits de chancellerie afin d'obtenir sa radiation, signée le 2 avril 1920 par le président Deschanel et publiée au Journal officiel le 4 avril suivant[47].
  38. « Comme refus discret, c'est assez réussi. J'ai là une chargée de coupures que m'envoient depuis trois jours l'Argus et autres Courriers de la presse. Ce qu'on m'engueule ! (...) Mais j'ai eu beau faire, je suis tout de même, dès maintenant, « l'éminent compositeur » — Lettre à Georgette Marnold, 13 avril 1920[48].
  39. Hélène Jourdan-Morhange rapporta que « les distinctions honorifiques lui paraissaient vaines autant que les paroles creuses des discours »[49]. Ravel accepta pourtant d’être fait chevalier de l’ordre de Léopold par le roi Albert Ier, à Bruxelles en mars 1926 et fut décoré plusieurs fois dans d’autres pays.
  40. Ravel joua La Valse à 2 pianos avec Marcelle Meyer, en privé, devant Diaghilev, Stravinski et Poulenc le 16 avril 1920. Diaghilev accueillit l’œuvre avec réserve, arguant « c'est un chef-d'œuvre mais ce n'est pas un ballet. C'est la peinture d’un ballet ». Stravinski ne dit pas un mot pour défendre son ami. Ravel rompit toute relation avec Diaghilev, et se détourna de Stravinski. Scène rapportée par F. Poulenc, Moi et mes amis, Paris, 1963[52].
  41. Aujourd'hui dans les Yvelines.
  42. Jourdan-Morhange, Ravel à Montfort-l'Amaury[54].
  43. « Nous ne sommes pas faits pour nous marier, nous autres artistes. Nous sommes rarement normaux, et notre vie l’est encore moins. » — Lettre à H. Casella, janvier 1919[55].
  44. Dans un entretien accordé à France Culture en 1985, Manuel Rosenthal rapporta toutefois que Ravel fréquentait des prostituées à l'occasion[56].
  45. « Quelle place, dans ces conditions, Ravel a-t-il faite à l'amour ? Il semble bien qu'elle ait été nulle. Je lui dis un jour : « Maurice, vous devriez vous marier ; personne n'aime et ne comprend les enfants comme vous ; abandonnez donc votre solitude et fondez un foyer ». Ravel me répondit : « L'amour ne s'élève jamais au-delà du licencieux ! ». Ce « licencieux » il l'accordait avec modération à quelque Vénus de carrefour ; le reste, qui eût bouleversé sa vie, il n'y a pas été peut-être bien encouragé »[57].
  46. « L'Affaire Ravel » de 1905 se déroula alors que le compositeur passait deux mois en croisière sur le bateau de Misia Edwards (née Godebska) dont l'époux, Alfred Edwards, puissant magnat de presse, fit vraisemblablement jouer ses appuis afin de révéler le scandale, notamment dans Le Matin. C'est ce même Alfred Edwards qui possédait la salle dans laquelle les Ravel firent représenter leur « Tourbillon de la mort : saut périlleux en automobile ». Les arguments biographiques et musicologiques de cette thèse, développée par David Lamaze, professeur d'écriture musicale au Conservatoire de Rennes, sont exposés dans l'édition d'un mémoire de master II[58].
  47. « Mais certainement, un ragtime ! Mais bien sûr, des nègres en wedgwood ! Qu'une terrifiante rafale de music-hall évente la poussière de l'opéra ! Allez-y ! » — Lettre de Colette à Ravel, 5 mars 1919.
  48. « [Il] ne me traita pas en personne privilégiée, ne consentit pour moi à aucun commentaire, aucune audition prématurée. Il parut seulement se soucier du « duo miaulé » entre les deux chats et me demanda gravement si je ne voyais pas d'inconvénient à ce qu'il remplaçât « mouao » par « mouain », ou bien l'inverse. » — Colette, Journal à rebours, 1941[61].
  49. Véritable périple, la tournée conduisit Ravel dans quelque 25 villes à travers tout le continent. Outre New York, où il fit plusieurs étapes, il fut invité à Albany, Boston, Philadelphie, Chicago, Cleveland, San Francisco, Los Angeles, Seattle, Vancouver, Portland, Denver, Omaha, Minneapolis, Kansas City, Toronto, Detroit, la Nouvelle Orléans, St-Louis, Houston, Milwaukee, St-Paul, Phoenix, Buffalo et Montréal[62].
  50. « Il se laissa fasciner par le dynamisme de la vie américaine, ses immenses villes, ses gratte-ciel et sa technologie de pointe, et fut impressionné par le jazz, les negro spirituals et l’excellence des orchestres américains. Il n'en allait pas de même de la cuisine américaine »[63].
  51. Lors d’un programme qui lui était entièrement consacré au Carnegie Hall à New York, sous la direction de Serge Koussevitzky, il reçut une ovation de dix minutes lorsqu’il entra prendre sa place. Ému aux larmes, il confia à Alexandre Tansman : « Vous savez, jamais une chose pareille ne pourrait arriver à Paris »[64].
  52. Un grand discours de Ravel sur la musique contemporaine, prononcé à Houston le 6 avril 1928, a été reproduit d’après sténographie directe dans les ouvrages de Marcel Marnat[65] et Arbie Ornstein[66].
  53. « Ce fut une soirée mémorable [le dîner du 7 mars 1928]. George se surpassa ce soir-là, accomplissant des prodiges étonnants de complexité rythmique, au point que Ravel lui-même était confondu. » — « Reminiscences of Maurice Ravel », New York Times, 16 janvier 1938[67].
  54. Entretien accordé par Maurice Ravel au London’s Daily Telegraph, 1931[76].
  55. Prix Femina en 1925.
  56. La description sémiologique que fit Théophile Alajouanine de la maladie de Ravel est reproduite dans Jean de Recondo, Sémiologie du système nerveux : du symptôme au diagnostic, Paris, Flammarion médecine-sciences, 2004, 606 p. (ISBN 2-257-16531-4, notice BnF no FRBNF39199002).
  57. « Je ne ferai jamais ma Jeanne d’Arc, cet opéra est là, dans ma tête, je l’entends, mais je ne l’écrirai plus jamais, c’est fini, je ne peux plus écrire ma musique »[79].
  58. Ravel se rendait alors à une répétition de Don Quichotte à Dulcinée. Il écrivit à Alfred Perrin en février 1933 : « Il a suffi de ce stupide accident pour m’anéantir pendant trois mois. Ce n’est que depuis quelques jours que j’ai pu me remettre au travail, et assez difficilement »[80].
  59. Ravel eut trois côtes enfoncées, trois dents cassées et plusieurs blessures au visage ; soigné dans une pharmacie il passe quelques heures à l'hôpital Beaujon. Un médecin diagnostique le 15 octobre un traumatisme thoracique et un hémothorax. Ravel est traité par acupuncture et hypnose[81].
  60. « Nous n'avons pas pu ignorer que Ravel se vit dépouiller du don de mémoire, perdit la parole, le geste d'écrire, mourut jugulé et conscient alors qu'en lui se débattaient encore tant d'harmonies, tant d'oiseaux, de guitares, de danses et de nuits mélodieuses. » — Colette[83].
  61. Le compte rendu opératoire retrouvé en 1988 fait état d'une atrophie de l'hémisphère gauche du cerveau tandis que l'hypothèse de l'hydrocéphalie suspectée par son chirurgien ne fut pas vérifiée.
  62. Pour le premier anniversaire de la mort du compositeur, la Revue musicale publia un numéro spécial dans lequel près d'une centaine d'articles, signés de la main de compositeurs, de critiques musicaux et d'artistes du monde entier, rendaient hommage à la mémoire de Ravel.
  63. « Si vous me demandez si nous avons une école impressionniste en musique, je dois dire que je n'ai jamais associé ce terme à la musique. La peinture, ah, ça, c'est autre chose ! Monet et son école étaient impressionnistes. Mais dans l'art sœur, il n'y a pas d'équivalent à cela. » — Extrait d'un entretien accordé au Musical Digest, mars 1928[88].
  64. « À maintes reprises, il s’épuisa à essayer d’accéder au niveau de virtuosité indispensable. Les longues heures passées à briser ses doigts sur les Études de Chopin et de Liszt le fatiguèrent beaucoup et privèrent le génial compositeur d’autant de moments d’inspiration fructueuse »[93].
  65. Un Concerto en sol daté de 1932, publié sous son nom était en fait dirigé par Pedro de Freitas Branco.
  66. Conformément à la Convention de Berne — Voir également durée du droit d'auteur par pays.
  67. Soit 95 ans après sa publication en 1929 — Voir Loi américaine d'extension du terme des droits d'auteur.

Références

  1. « Association patrimoine versoisien », sur le site de l’association (consulté le 3 septembre 2016).
  2. Marnat 1986, p. 19-22.
  3. Roland-Manuel 1938, p. 21.
  4. Roland-Manuel 1938, p. 283.
  5. Jankélévitch 1995, p. 127.
  6. Orenstein 1989, p. 43-47.
  7. Jankélévitch 1995, p. 197-204.
  8. Rapport scolaire de Fauré sur Ravel, juin 1900.
  9. Maurice Ravel, « Concert Lamoureux », Revue musicale de la S.I.M.,‎ 15 janvier 1912, p. 62 (lire en ligne).
  10. « Palmarès de tous les lauréats du prix de Rome en composition musicale de 1803 à 1968 », sur un site de l'Institut de France (consulté le 30 août 2016).
  11. Lettre de Camille Saint-Saëns à Charles Lecocq, 4 juillet 1901.
  12. Jankélévitch 1995, p. 183.
  13. Pierre Lalo, « La musique », Le Temps,‎ 11 juillet 1905 (lire en ligne).
  14. Louis Laloy, « Revue de la quinzaine », Le Mercure musical, no 2,‎ 1er juin 1905, p. 85 (lire en ligne).
  15. Maurice Ravel, « Prix de Rome », Le Matin,‎ 22 mai 1905 (lire en ligne).
  16. Jean Marnold, « Le scandale du prix de Rome », Le Mercure musical, no 3,‎ 15 juin 1905, p. 130 (lire en ligne).
  17. Marnat 1986, p. 162.
  18. S. Bres, « La démission de Théodore Dubois », Revue internationale de Musique française, no 14,‎ juin 1984.
  19. Gail Hilson Woldu et Sophie Queuniet, « Au-delà du scandale de 1905 : propos sur le prix de Rome au début du XXe siècle », Revue de Musicologie, vol. 82, no 2,‎ 1996, p. 245-267 (lire en ligne).
  20. Jean Marnold, « Idiot-Musicaliana », Le Mercure musical,‎ 15 juin 1905, p. 449-450 (lire en ligne).
  21. Jankélévitch 1995, p. 13.
  22. Pierre Lalo, « La suite pour piano de M. Maurice Ravel », Le Temps,‎ 30 janvier 1906 (lire en ligne).
  23. Pierre Lalo, « Quelques ouvrages nouveaux de M. Maurice Ravel », Le Temps,‎ 19 mars 1907 (lire en ligne).
  24. Pierre Lalo, « La musique », Le Temps,‎ 28 mai 1911 (lire en ligne).
  25. Marnat 1986, p. 154.
  26. Orenstein 1989, p. 90.
  27. Orenstein 1989, p. 131.
  28. Orenstein 1989, p. 501.
  29. Claude Debussy, Correspondance : 1872 - 1918, Paris, Gallimard, 2005, 2330 p. (ISBN 2-07-077255-1, notice BnF no FRBNF40029124)
  30. Debussy 2005, p. 830.
  31. Pierre Lalo, « L'Heure espagnole », Le Temps,‎ 28 mai 1911 (lire en ligne).
  32. Marnat 1986, p. 363.
  33. Marnat 1986, p. 404.
  34. Patrick Kéchichian, « Entretien avec Jean Echenoz et Philippe Barrot », La Quinzaine littéraire,‎ 16 janvier 2006 (lire en ligne).
  35. Marnat 1986, p. 406.
  36. Marnat 1986, p. 407.
  37. Marnat 1986, p. 410.
  38. « Programme du concert du 12 mai » [PDF], sur philharmoniedeparis.fr (consulté le 2 septembre 2016).
  39. Orenstein 1989, p. 156-187.
  40. « Lettre de Maurice Ravel au Comité de la ligue nationale pour la défense de la musique française », sur le site Des lettres (consulté le 2 septembre 2016).
  41. Marnat 1986, p. 420-421.
  42. Orenstein 1989, p. 164-165.
  43. Orenstein 1989, p. 178.
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  45. Marnat 1986, p. 465.
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  47. « Publication au Journal Officiel », sur gallica.bnf.fr, 4 avril 1920 (consulté le 2 octobre 2016), p. 5383
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  50. « Le Coq », sur le site gallica.bnf, mai 1920 (consulté le 2 septembre 2016).
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