Hans Leip
Date de naissance 22.9.1893 à Hamburg, Allemagne
Date de décès 6.6.1983 à Salenstein, TG, Suisse
Lili Marleen
Pour le film du même nom, voir Lili Marleen (film).
Lili Marleen est une chanson allemande dont les paroles sont inspirées du poème écrit en 1915 par le romancier Hans Leip, alors mobilisé.
Dans sa version originale, elle a d'abord été interprétée par la chanteuse Lale Andersen en 1938. Les versions les plus populaires ont été chantées en allemand ou en anglais par Marlène Dietrich.
Le poème
Hans Leip a écrit Lied eines jungen Wachpostens (en français « Chanson d'une jeune sentinelle ») à Berlin pendant la Première Guerre mondiale, avant son départ pour le front russe en avril 1915.
Leip était amoureux de deux jeunes filles : Lili, nièce de sa logeuse, et Marleen, infirmière, qu'il a unies en une seule. Consigné à la caserne pour de nombreuses indisciplines, il déprime alors qu'il fait les cent pas en tant que sentinelle. Il écrit alors sur son lit de camp les trois premières strophes.
Selon une autre version de la genèse du poème, Hans Leip était amoureux de Lilly Freud (1888-1970), fille de Marie Freud, la sur de Sigmund Freud. Hans Leip a admis avoir connu Lilly Freud qui, en 1917, a épousé l'acteur et metteur en scène Arnold Marlé. Après ce mariage, Leip aurait composé un poème sur « Lilly Marlé », devenu « Lili Marleen ». Lilly Freud-Marlé disait elle-même être la "Lili Marleen" de la chanson, ce qui se raconte encore dans sa famille[1]. Rosa Sala Rose, qui a produit en 2008 la meilleure étude synthétique sur cette chanson, a longuement examiné cette hypothèse pour conclure, documents à l'appui, qu'elle n'était pas fondée[2].
La chanson
D'abord un échec
Quand, en 1936, la chanteuse réaliste allemande Lale Andersen découvre le poème de Hans Leip qu'il vient de publier dans un recueil de poésie, elle demande au compositeur Rudolf Zink (de) de le mettre en musique, et interprète la chanson au début de 1937. En 1938, elle demande également au compositeur Norbert Schultze, avec lequel elle avait eu une aventure sans lendemain en 1932, de mettre lui aussi ce poème en musique[3]. Elle chante alternativement les deux versions dans les cabarets mais c'est cette dernière version, à la mélodie plus martiale que celle de Rudolf Zink, qui est enregistrée en août 1939 et qui s'imposera pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cette chanson nostalgique, jugée par la critique "terne et sans rythme", est un échec commercial avant la guerre (seulement 700 exemplaires du disque vendus).
Un succès inespéré en Allemagne nazie
En 1941, l'Allemagne est en pleine guerre sur plusieurs fronts et changeant brusquement de statut cette chanson d'amour va devenir un chant de guerre. Son succès est lancé le 18 août 1941 lorsque le lieutenant Heinz-Karl Reitgen, directeur de la radio militaire allemande de Belgrade, programme, faute de mieux, ce disque au rebut car les bombardiers anglais ont détruit son entrepôt de disques. Les soldats de la Wehrmacht éloignés de leur foyers et de leurs amies envoient des dédicaces à une émission populaire de cette radio qui fait de la chanson son indicatif. Ce succès fut même tel que l'on s'en inquiéta au NSDAP. Selon Norbert Schultze, Joseph Goebbels disait que cette chanson "sentait la danse macabre"[4].
Goebbels tente d'abord de faire détruire la matrice du disque, puis interdit son interprétation. Mais la chanson a trois protecteurs : le maréchal Erwin Rommel qui incite les radios à la programmer (jusqu'à 35 fois par jour), Emma Göring, seconde épouse d'Hermann Göring et ancienne chanteuse d'opéra, Max Schmeling, boxeur idole des nazis dont le biographe n'est autre que Hans Leip.
- Un second détournement : Goebbels ne parvint pas à faire appliquer cette décision. Mais il tient sa « revanche » lorqu'il édite une nouvelle version de la chanson : elle est transformée de chant d'amour en marche militaire que les Einsatzgruppen diffusent pendant leurs assassinats
Lili devient un succès mondial
Grâce à la radio militaire allemande de Belgrade, cette chanson ou du moins son air franchit la Méditerranée et fut entendue et adoptée par les soldats alliés combattant en Tripolitaine. Ainsi, en 1941, l'émission dédiée aux dédicaces entraîne quotidiennement le cessez-le-feu entre les troupes anglaises et allemandes à Tobrouk lorsque la chanson est diffusée dans les haut-parleurs. Pour les belligérants et les civils des deux camps, elle devient l'hymne de la Seconde Guerre mondiale, adopté et chanté en allemand jusqu'au printemps 1944.
En 1942 on vend 160.000 exemplaires du disque et, en l'espace de six mois, la chanson est adaptée dans 48 langues[1]. Le principal argument de vente n'est plus l'amour et la nostalgie (cependant toujours présents) mais la liberté. En effet, ce disque interdit par Goebbels devient, de fait, le symbole de la liberté couronnant la victoire des Alliés, la chute de l'Axe et la Libération. Les paroles françaises, dues à Henri Lemarchand, furent écrites à la fin de 1941 à la demande de Suzy Solidor, qui créa la version française dans son cabaret « La Vie parisienne » en janvier 1942.
- Troisième détournement, la version anglaise : devant ce succès, l'armée britannique se vit contrainte de faire produire une version anglaise en mai 1943, dont les interprétations jazzy par Anne Shelton (en) et Vera Lynn connurent un succès fulgurant. Cependant, les soldats alliés en attribuèrent à tort la paternité à la seule « Marlène » qu'ils connaissaient, la chanteuse antinazie Marlène Dietrich. Si bien qu'à la fin de la guerre, celle-ci finit elle aussi par capituler pour donner à son tour une version langoureuse en anglais, en faisant un hymne à la Libération.
À la suite de l'immense succès de la version US interprétée en swing par les Andrew Sisters et le big band (grand orchestre) de Glenn Miller, les Américains profitent de la Libération pour récupérer les droits de la chanson et envoyer Lale Andersen effectuer des tournées pour le théâtre aux armées, auprès des soldats en Corée et en Indochine. Chanson subversive, car transcendant les clivages, elle est interdite dans plusieurs pays totalitaires (RDA, Yougoslavie de Josip Broz Tito) et devient l'hymne anti-nucléaire pendant la Guerre froide. En 2005, pour la commémoration du 60e anniversaire du Débarquement, la chanteuse Patricia Kaas devait la chanter en Mondovision, mais les Polonais refusèrent en raison de l'épisode des Einsatzgruppen, lui préférant l'Hymne à l'amour.
Pour l'écrivain John Steinbeck, Lili Marleen était « la plus belle chanson damour de tous les temps ».
Les paroles en allemand
Version originale par Lale Andersen, 1938
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- "Sie briefen der Zapfenstreich" OU, autre version, "Sie briefen Zapfenstreich" : Lale Andersen a parfois ajouté « der », article défini allemand masculin, équivalent de « le » en français.
Autres versions
Version de Marlène Dietrich (seuls quelques mots diffèrent)
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Version chantée en public par Marlène Dietrich
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Marche militaire du IIIème Reich
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Version française
Des versions de cette chanson ont été diffusées en d'autres langues, notamment en français, sous l'Occupation, par la chanteuse Suzy Solidor. Par ailleurs, le 3ème Régiment Étranger d'Infanterie en a adopté la mélodie en adaptant les paroles en tant que chant de régiment. Des pastiches circulaient aussi vers la fin de la guerre avec des paroles de circonstance.
Selon le recueil "un siècle de chanson française, volume 1939-1949" aux éditions Paul Beusher, ces paroles françaises sont signées Henri Lemarchand. Le copyright de 1941 par Appollo Verlag Paul Lincke / Warner Chapell Music France.
Chantée par Suzy Solidor
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Version de Jean-Claude Pascal
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Pastiche (cité par l'écrivain Guy Roves dans son conte philosophique Justin le Marin)
Version anglaiseVersion d'Anne Shelton et Vera Lynn, 1944
Version en anglais de Marlene Dietrich
Postérité et AntérioritéPostéritéDans les années 1940 et 60, Lili Marleen apparaît dans les charts (le classement des chansons les plus populaires) aux États-Unis, et dans les années 1980 en Allemagne et au Japon. Ainsi, Lili Marlene se place de loin parmi les plus populaires chants de temps de guerre jamais écrits. En plus de sa large acceptation par les soldats sur le front des deux côtés, un enregistrement RCA par un chur anonyme se plaça n° 13 des charts américains en 1944. Il a de nouveau été classé dans ces mêmes charts en 1968. Puis dans les charts allemands en 1981 et les charts japonais en 1986. La chanson a été traduite dans plus de 48 langues, l'italien, le français, l'hébreu, le serbe, le russe, le japonais
Il y a évidemment de nombreuses raisons. On peut relever, outre la mélodie obsédante, le texte lyrique et le rythme cadencé, son thème central, universel, l'éternel combat du couple mythique Eros - Thanatos : d'un côté un amour platonique à la fois magnifique, nostalgique et respectueux, de l'autre les périls de la jeunesse en temps de guerre spécialement sur les différents fronts (à l'Est, en Afrique, en Normandie, etc). Mais, au delà de cette analyse, celui qui a certainement le mieux expliqué ce succès est Lale Andersen elle même lorsqu'elle a répondu à cette question : « Le vent peut-il expliquer pourquoi il devient tempête ? ». Source: La Légende de Lili Marleen par Nanne[5]. Avec Lili Marleen lAllemagne nazie a produit malgré elle un standard universel. Le décor est urbain. La caserne apparaît comme lautre monde, celui de lenfermement, de la séparation, un grand portail quil faut franchir, si lon ne souhaite pas faire trois jours de cachot, cest-à-dire être doublement enfermé. Cest une ambiance de mort qui règne sur la cinquième et dernière strophe : seuls les brouillards du soir ramèneront le fantôme du soldat à lendroit de son furtif bonheur. Si l'on compare ce chant allemand à d'autres chants guerriers (Quand Madelon, Over there, It's a Long Way to Tipperary), qui affichent un esprit grégaire et un joyeux patriotisme plutôt datés, on y constate une sensibilité bien plus « moderne », à la fois cinématographique et dynamique, et bien mieux adaptée à la solitude de l'homme des grandes villes à laquelle seule la constitution d'un noyau familial (la petite famille du baby boom d'après 1945) permet d'échapper[6]. AntérioritéSur le thème « amour et guerre », on peut retrouver d'autres grands succès partageant les mêmes caractéristiques :
Indications bibliographiques
Films
Liens externes
Notes et références
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