Charles Rosen

Charles Rosen - © Courtesy of Indiana University

Date de naissance 5.5.1927 à New York City, NY, Etats-Unis d Amérique

Date de décès 9.12.2012 à New York City, NY, Etats-Unis d Amérique

Charles Rosen

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Charles Rosen est un pianiste et musicologue américain né le 5 mai 1927 à New York et mort le 9 décembre 2012 dans sa ville natale[1]. Il est l'élève de Moritz Rosenthal. Diplômé de littérature française de l'Université de Princeton, New Jersey, en 1949, il a fait ses débuts comme pianiste à New York en 1951. Il a enseigné à New York et à Berkeley, en Californie. Son uvre musicologique exerce une grande influence, sur le plan de l'analyse musicale et de la compréhension interne des styles, du classicisme viennois et du romantisme en particulier.

Le pianiste

Enfant prodige, il entra à la Juilliard School à l'âge de sept ans, où il étudia de 1934 à 1938, puis à l'Université de Princeton. Il fut, entre 1938 à la mort de son maître en 1945.lélève de Moriz Rosenthal, qui avait lui-même étudié avec Franz Liszt. Dans un entretien publié en juin 2007, au BBC Music Magazine, Rosen cite également Josef Hofmann, quil put entendre dès lâge de trois ans, comme le pianiste ayant exercé la plus grande influence sur son jeu. Rosen se souvient également davoir joué pour Leopold Godowsky, dès lâge de sept ans. Godowsky lui ayant demandé ce quil souhaitait faire plus tard, il eut la surprise de sentendre répondre : « je veux être un pianiste comme Joseph Hofmann ». Rosen cite encore Arturo Toscanini parmi les maîtres layant influencé, pour la continuité des voix secondaires.

Bien que peu diffusée en France, luvre discographique de Charles Rosen est très importante, comportant aussi bien des enregistrements des dernières Sonates de Beethoven, que de ses Variations Diabelli ou de L'Art de la fugue de Johann Sebastian Bach. On pourra se faire une idée du style de Rosen interprète romantique, avec le CD joint à son ouvrage sur la musique romantique (Gallimard, 2002).

C'est néanmoins à la musique du XXe siècle que Rosen sest consacré avec le plus de succès comme interprète. Outre les Etudes de Debussy, il a enregistré des uvres dIgor Stravinsky et de Pierre Boulez, avec qui il a également donné lintégrale des uvres de Webern, toujours disponible en France. En outre, son nom est lié à luvre dElliott Carter, dont il a créé plusieurs pièces et enregistré lintégrale de luvre pour piano.

Le musicologue et l'analyste

Pianiste et musicologue, Rosen nest pas un musicologue qui joue du piano, mais un pianiste dont la démarche consiste, dit-il, à "jouer écouter réfléchir" (La Génération romantique, p. ). Rosen se définit avant tout comme un interprète, au double sens, du geste musical et de la réflexion. "Théoricien dilettante" (Formes Sonate, p. ), rétif à toute forme "dindustrie académique" de lanalyse (Aux Confins du sens, p. ), la singularité de sa situation tient à son absence de formation universitaire musicologique (il est titulaire dun Ph.D. de littérature française sur La Fontaine !), malgré limportance quantitative et le retentissement international de son uvre : le RILM ("Répertoire international de littérature musicale") recense à ce jour (2009), plus de soixante-dix titres, textes originaux et traductions. Largement autodidacte, il se réclame du musicologue Oliver Strunk, ou encore des commentaires analytiques de sir Donald Tovey. Son approche, qui ne renonce jamais à la subjectivité du jugement de valeur, a pu être rapprochée de celle dun Joseph Kerman, ou encore de luvre musicographique dAndré Boucourechliev. Ses ouvrages, quoique immensément érudits, sont édités sans notes ni même bibliographie - quasi-provocation au regard des usages universitaires (pour la place paradoxale, au regard de sa notoriété, faite à son uvre dans les ouvrages de recensions analytiques (cf. Bent et W.Drabkin., p. ; J.Ph.Guye, p. ). En revanche, le Schoenberg excepté, ils présentent de larges et nombreux exemples des partitions analysées, permettant au lecteur musicien de sy rapporter sans avoir recours à une bibliothèque musicale, nécessairement pléthorique. Luvre de Rosen, à mi-chemin entre musicologie et analyse, consiste avant tout en une recherche stylistique, sappuyant sur des analyses précises, abondantes, mais considérées comme sans rigueur, car s'appuyant sur le langage, au regard d'une tradition anglo-saxonne très formalisée (Schenker et ses émules), dont il se défie largement, tout en cédant aussi peu, à l'inverse, à toute forme de détermination par la biographie. La musique, pour Rosen, est entièrement dans les notes. "Ne cherchez pas derrière les notes, elles sont elles-mêmes la doctrine", concluait-il (paraphrasant Goethe) son essai "Aux Confins du sens" (p. ). Lanalyse, selon Rosen, est aussi éloignée dune démarche scientifique positiviste, posant lobjet musical comme une forme désincarnée, que dune démarche explicative, s'appuyant sur des processus psychiques, sociologiques, poïétiques, au sens donné à ce mot par J.J.Nattiez.

Le Style classique, Formes sonate

Les deux ouvrages les plus marquants de Rosen sont sans doute "Le Style classique" et son complément "Formes Sonate". Le premier aborde « léconomie » du style classique, chez Haydn, Mozart et Beethoven, en termes de sentiment dramatique, véhiculé par le langage musical lui-même. Le second plus historique et spécialisé, étudie dune part la genèse de la forme sonate, dans la première moitié du XVIIIe siècle, à travers laria dopéra ou la forme concertante ; dautre part le devenir de celle-ci, après la culmination du classicisme viennois, à lépoque romantique. Le Style classique, offre un modèle de compréhension interne des uvres des années 1760-1820, tant pour les auditeurs que pour les interprètes. Rosen rend sensible la structure musicale elle-même, la décrivant en termes dénergie, de « dissonance » ou de « résolution des tensions à grande échelle ». Il loppose aux formes du dernier baroque, dont il décrit les effets comme « cumulatifs ». Rosen étend le champ de la perception musicale, de lornemental à la structure. Ses analyses débouchent sur un modèle énergétique dont le propre est de permettre de vivre la forme, non comme un schéma descriptif extérieur, encore moins comme une norme à respecter, mais comme une expérience dynamique, solidaire du ressenti de linterprète. Il lève ainsi toute contradiction entre forme et expression - analyse structurelle et analyse du détail. Les proportions elles-mêmes étant dotées dun pouvoir expressif, la structure se fait intelligible aussi bien quémouvante, et dautant plus émouvante quelle est intelligible. La culture de Rosen, humaniste et classique lui permet ainsi de dépasser la contradiction apparente entre forme et expression

La Génération romantique

La Génération romantique, construit de manière moins rigoureuse que les ouvrages précédents, se présente comme la recollection de fragments (conférences prononcées à Harvard dans les années 1980). Contrairement au Style classique, il ne dégage pas de problématique centrale, mais, en conformité avec la moindre grande homogénéité stylistique de la période étudiée (les années 1830-50), propose une dizaine détudes discontinues, mais reliées par des fils conducteurs : le rôle de la sonorité et de la virtuosité, lesthétique du fragment, les formes narratives, le contrepoint « Le romantisme nest pas un style mais un projet » déclarait Rosen à Catherine Temerson (Plaisir de jouer, p. ). En cohérence avec cette idée, La Génération romantique décrit moins un style homogène quune série dinnovations de langages, inscrites dans le geste musical lui-même. Il le fait une nouvelle fois au travers de très nombreux exemples, analysés à travers le prisme de linterprète, lui permettant de rendre compte aussi bien des indications de pédale dans des Ballades de Chopin, que dinnovations de doigtés chez Franz Liszt. Au "plaisir de la structure" constitutif, selon Rosen, du sentiment esthétique classique est substitué un "plaisir du son" (Génération romantique, p. ) mettant la réalisation sonore, et donc linterprète, au premier plan. Doù lapparence danalyses sattachant davantage au niveau des figurations musicales, de leur mise en uvre digitale, quà celui de la forme ou dune pensée plus globale de la composition. (J.Ph.Guye, p. )

"Plaisir de jouer, plaisir de penser", "Aux Confins du sens"

Ces deux petits livres (ainsi, dans un autre genre, que le petit "Schoenberg", très accessible) peuvent permettre une excellente introduction à la conception de lanalyse et à la méthode de Rosen, pour qui ne voudrait ou ne pourrait entrer dans le détail nécessairement technique de ses trois grands ouvrages d'analyse stylistique. Exercice dadmiration (J.Ph.Guye, p. ), lanalyse selon Rosen, vise au partage du sens ; à rendre le sensible intelligible, dans toute sa diversité. Lanalyse veut "éclairer les procédés qui forment le contenu expressif même de luvre" () "Analyser une uvre, cest envisager une interprétation idéale" (Plaisir de jouer. Plaisir de penser, p.  et 20). Parti de linterprétation, lanalyste y revient donc, amélioré, bonifié. En humaniste, héritier des Lumières et de l'Aufklärung, Rosen croit au rôle déclaireur de la raison : "lanalyse musicale ne fait quéclairer la jouissance" (id., p. ). Le sens du détail, lextrême érudition, le goût pour la citation et le rapprochement comparatif caractérisent le style analytique de Rosen ; mais aussi les jugements parfois péremptoires (il nhésite pas à comparer la valeur des uvres, ou à émettre des jugements que lon peut trouver sévères sur tel ou tel compositeur - Berlioz, César Franck, Fauré). Immensément doué lui-même et cultivé, il présuppose chez le musicien - interprète, analyste, auditeur - de semblables facultés, tant du côté de vastes possibilités perceptives ("lextension dans le temps des facultés auditives") (Style Classique, p. ) que de ses capacités synthétiques : "la recherche - ou linvention - dune unité naturelle dans une collection dobjets distincts" (Génération romantique 274). Comme lécrit J.Ph.Guye, luvre de Rosen part du goût pour y retourner, sans jamais quitter le terrain de la pratique sensible. Elle confirme () que le goût est bien, comme le disait Lautréamont, la forme suprême de lintelligence. (Analyse musicale, no 42, p. )

Bibliographie

Modèle:Autorité

  • Le Style classique. Haydn, Mozart, Beethoven, trad. Marc Vignal, Paris, Gallimard, 1978, 2011 (ISBN 978-2070756421)
  • Schoenberg, trad. Pierre-Étienne Will, Paris, Minuit, 1979, rééd. 1990
  • Romantisme et réalisme. Mythes de l'art au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1986
  • Formes sonate, trad. Marie-Stella et Alain Pâris, Arles, Actes Sud, 1993
  • Plaisir de jouer, plaisir de penser. Conversations avec Catherine Temerson, Paris, Eshel, 1993 (ISBN 2-906704-50-4 )
  • Aux Confins du sens. Propos sur la musique, trad. Sabine Lodéon, Paris, Le Seuil, 1998 (ISBN 2.02.024705.4)
  • La Génération romantique, trad. Georges Bloch. Paris, Gallimard, 2002
  • Les Sonates pour piano de Beethoven. Un petit guide, trad. Anna Chapoutot, Georges Bloch, Paris, Gallimard, 2007. (ISBN 978-2-07-072024-8)

La liste des comptes-rendus de Charles Rosen pour "The New York Review of Books", de 1970 à novembre 2008, se trouve sur le site : http://www.nybooks.com/authors/5, attestant de la richesse et de la diversité de ses pôles d'intérêt.

Sur l'uvre musicologique de Rosen

  • Ian Bent et William Drabkin, LAnalyse musicale. Histoire et méthode, trad. Annie Coeurdevay et Jean tabouret, Éd. Main duvre, 1998, p. ) (ISBN 2-911973-02-X )
  • Jean-Philippe Guye, Charles Rosen : La Génération romantique () Présentation et point de vue, in "Analyse Musicale", no 42, mai 2002, p. . |ISNN no 0295-3722
  • Bruno Moysan, L'apport méthodologique de Charles Rosen, in "Analyse Musicale", no 42, mai 2002, p. 

Notes et références

  1. Los Angeles Times
Dernière modification de cette page 08.10.2013 22:20:25

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